LA RÉNOVATION
DES ARTS MINEURS
ET DES INDUSTRIES INDIGÈNES
Les sociétés n'arrivent que lentement à la pure jouissance
esthétique.
Le primitif a besoin d'une longue évolution, d'un affinement
progressif de sa sensibilité pour goûter un tableau, une noble
architecture, une ciselure hardie.
Taine l'a indiqué : « Il faut, écrit-il, que le spectateur soit
à demi dégagé des préoccupations grossières... il était brutal
et il devient contemplatif. Il consommait et détruisait, il
embellit et savoure. Il vivait, il décore sa vie... »
Bergson fait la même constatation : « Il faut vivre, et la vie
exige que nous appréhendions les choses dans le rapport qu'elles
ont à nos besoins. Vivre, consiste à agir. Vivre, c'est n'accepter
des objets que l'impression utile... Or, l'art n'a d'autre
objet que d'écarter les symboles pratiquement utiles ».
Le Beau n'est pas utilitariste.
L'Arabo-Berbère n'a pas manqué de vérifier cette loi.
Sa création esthétique s'est, jusqu'à ce jour, limitée aux arts
mineurs : tapis, broderies, cuirs, dinanderie, etc... en un mot, à
un embellissement du décor domestique. Sa vocation ornementale
n'a pas encore dépassé le cadre usuel de la vie. Tisser un tapis,
façonner une poterie, ciseler un cuivre, c'est sans doute, quand la
main est habile, créer des conditions de plaisir; c'est surtout
travailler à une réalisation utile. L'Oeuvre ne s'est pas
encore dissociée du Travail. L'artiste ne s'élève guère
au-dessus de l'artisan et celui-ci, au lieu d'inventer, ne fait que
répéter et imiter.
Le processus de la création artistique arabo-berbère est plus
mnémotechnique qu'imaginatif. Il ignore la fraîche spontanéité
de l'intuition personnelle. Il est moins novateur que
traditionaliste.
Aussi bien, n'y a-t-il qu'une transition insensible entre les arts
mineurs et les industries indigènes. Nous les séparerons cependant
pour faciliter cette étude et tenter de mettre en lumière l'effort
considérable qui a été accompli
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