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LES ARTS MINEURS INDIGÈNES AVANT 1830

1° Les Tapis.

L'industrie du tapis est presque aussi vieille que l'humanité. Homère en parle fréquemment (Iliade, Chants VIII, V, 288; XIV, V, 178; XXII, V, 440. Odyssée, Chants XIV et XVIII). Eschyle montre Agamemnon refusant de fouler le tapis que Clytemnestre a fait étendre : " c'est aux Dieux, s'écrie-t-il, qu'un tel hommage est réservé, un mortel ne doit pas marcher sur la pourpre richement brodée. " Et le livre VI des Métamorphoses d'Ovide décrivant, avec une minutie appliquée, le labeur d'Arachné, nous fait assister à toutes les phases de la fabrication d'un tapis.
 
Les méthodes et les instruments de tissage n'ont, d'ailleurs, guère varié depuis la plus haute antiquité. Le métier du tisseur arabe ressemble au métier de Pénélope, tel qu'il a été reconstitué d'après un vase antique, exécuté environ 400 ans avant J.-C. et qui a été retrouvé à Chinsi (Conte, Annales de l'Institut de correspondance archéologique, 1872, 187-190). A ce même point de vue, parmi les peintures de l'hypogée de Beni-Hassan (3.000 avant J.-C.), on voit un métier qui rappelle d'une façon frappante ceux des indigènes nord-africains (Maspéro, l'Archéologie égyptienne, p. 282).
 
Les populations du Maghreb s'adonnèrent, de longue date, à l'art du tapis. Fakehy mentionne un tapis nordafricain d'une exécution magnifique parmi les présents faits par Haroun El-Rachid. Marmol connaissait les tapis de Tlemcen et de Mila. Léon l'Africain cite les tisseurs de Nédrorna, de Tlemcen, d'Oran, de Cherchell, de Miliana, de Constantine et de Mila. Shaw, qui résida 12 ans à Alger et dont nous lirons plus loin les réserves, a cependant vu chez les riches citadins des tapis " d'une grande magnificence, soit pour la matière, soit pour le travail ". (Shaw) Voyage dans la Régence d'Alger, 96, 97). Il n'ignore pas les tapis de Kalaa (249) ;

       il nous apprend que, dans la région de Mila, on cultivait la garance pour la teinture des tissages (358). Vers 1815, la marque algérienne était connue en Europe. Pananti relate que, lorsqu'il fut capturé par un corsaire d'Alger, il avait pour compagnon d'infortunes un négociant qui se rendait dans la Régence à l'effet de se " pourvoir d'un assortiment de tapis ". (Pananti, Relation d'un séjour â Alger, 64). On trouve également d'utiles indications dans les mémoires et dans les lettres des Officiers de l'armée d'Afrique. Le plus intéressant en ce sens est le capitaine Rozet qui appartenait à l'Etat-Major du Maréchal de Bourmont et qui a laissé un livre précieux pour l'étude de la vie algérienne entre 1830 et 1833 (Voyage dans la Régence d'Alger). Rozet est allé dans toutes les villes successivement occupées par nos troupes. Il a vu " les tapis magnifiques " de la Mosquée de la Casbah et de celle de la Porte-Neuve (III, 34 et 50). Il a visité à Alger plusieurs fabriques de tapis (III, 89) Il donne des détails suggestifs sur la teinture des tissages :
 
" La teinture jaune se fait avec de la gaude, qui croit en abondance autour de la ville d'Alger; la rouge et la violette avec du bois de campêche; la bleue avec de l'indigo, et le noir avec une décoction d'écorces de grenade dans laquelle on jette de la couperose ". (Rozet, III, 90).
 
Les tapis algériens, fabriqués avant 1830 et jusqu'en 1860, peuvent, au point de vue de la forme, se diviser en 6 genres différents : les freschias, les zerbias (tapis de haute laine), les hembel, les guetif, les mattrah, les djelloul (tapis ras). Les principaux centres de fabrication étaient à Alger, Aflou, Aumale, Biskra, Batna, Bou-Saâda, Chellala, El-Oued, Kalaâ, Oud-Souf, Sétif, Saïda, Tiaret, Tlemcen, etc...
 
Des spécialistes, appelés reggams, allaient de tribu en tribu donner des leçons de tissage. Le reggam était loin d'être un artiste; il se contentait de maintenir, en la déformant quelquefois, la tradition qu'il avait reçue de ses pères. Il travaillait sans document, " portant, disait-on, le dessin dans son cœur ". Il est curieux de noter à cet égard que ces tapissiers ambulants ont également existé en Europe. Castel en signale à Aubusson vers 1583 (Les Tapisseries, 164). Nous trouvons la même indication dans Muntz (La tapisserie, 142).
 
Le répertoire ornemental des tisseuses arabo-berbères était des plus réduits: la palmette persane abâtardie, la rose
 
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