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que Kalaâ, Tlemcen, Boghari, Le Hodna, communiquaient fréquemment
et avec une certaine régularité, de manière à écouler leurs
tapis, leur dinanderie, etc...
Les évènements consécutifs à la prise d'Alger restreignirent
l'amplitude de ces mouvements commerciaux. De nombreux centres de
production, désormais isolés, ne trouvèrent plus leurs clients
habituels. D'autres marchés se créèrent; les affaires
s'orientèrent suivant des directions jusqu'alors inusitées; une
abondante circulation monétaire vint remplacer le simple troc de
marchandises. Il en résulta une clientèle nouvelle qui laissa sans
débouchés les vieilles industries locales.
2° Le progrès matériel des populations indigènes n'a pas
été sans exercer une certaine action. N'oublions pas, en effet,
que le tapis est nécessaire à la tente comme moyen de literie. Il
n'est pas seulement un luxe; il est surtout le succédané d'un
meuble- Que le laboureur succède au pasteur, que la maison et le
gourbi remplacent la tente, le tapis cesse d'être indispensable.
Or, depuis 1830, le nomade s'est fixé au sol; il a mis en valeur
les pacages incultes autrefois parcourus par ses troupeaux; il a
bâti des maisons. C'est dans ce sens que la stabilisation et
l'appropriation foncière, faisant apparaître le confort du meuble,
ont porté un coup a l'industrie tapissière.
3° La décadence du nomadisme et le progrès de
l'agriculture ont eu comme corollaire la diminution du cheptel ovin.
De là, une production lainière moins abon-dante. Telle région où
la laine ne manquait pas aux tisseuses, grâce aux vastes herbages
ouverts à l'industrie pastorale, a été transformée en une
mosaïque de cultures variées où le troupeau tend à disparaître.
La fabrication des tapis n'a pas, sur ces points, survécu à la
transhumance.
4° L'avilissement des typés locaux - Bien avant la
conquête française, de nombreux objets d'origine étrangère
avaient pénétré dans la Régence. Le Registre des Prises des
Corsaires est significatif à cet égard. En outre, les Deys
renouvelaient fréquemment leurs janissaires. Ceux-ci apportèrent
des modèles nouveaux de tissage, de dinanderie, peut-être même
d'ébénisterie. Longtemps avant 1830, les thèmes maghrébins
s'étaient déformés. Après 1830, l'éclectisme décoratif
s'accéléra. Bien que l'art mineur Nord-africain n'ait jamais
accusé une originalité bien marquée, il avait eu cependant ses
caractéristiques et une certaine personnalité qui permettait, par
exemple, de reconnaître |
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un tapis d'Orient, un cuivre de Cordoue, d'un tissage d'Alger et
d'un plateau ciselé de Tlemcen. L'inspiration décorative
s'abâtardit rapidement. Les modèles floraux se dégradèrent en
accueillant des éléments venus de France, d'Italie, ou d'Orient-
La bijouterie berbère cessa de présenter ses lourdes formes
archaïques, ses émaux polychromes, son cachet barbare. Elle
devint, en quelques années, une industrie attardée au poncif
conventionnel.
5° Le machinisme et la manufacture. - Quand on voit, en
France, les petites industries locales céder la place à la grande
production, il ne faut guère s'étonner que le même phénomène se
soit produit en Algérie. Le travail lent et irrégulier qui
aboutissait à la création de haïcks, de foutas, de tentures,
d'objets de menuiserie, ne pouvait résister à l'industrie
européenne.
6° En ce qui concerne les tapis, il faut signaler, d'une
part, la disparition des reggams, et d'autre part, la substitution
des mauvaises couleurs minérales, aux couleurs végétales. Cela
n'est, d'ailleurs, pas spécial à l'Afrique du Nord. Le même fait
est également constaté en Perse, en Turquie, en Afghanistan, au
cours du XIXème siècle- Il est aussi visible en Europe : "
pour économiser quelques centimes sur la teinture de la laine qui,
une fois travaillée, représentera une valeur de 200 ou 300 fr. le
kilogramme, on fait usage de ces couleurs minérales dont
l'introduction dans la teinture des textiles équivaut à un
véritable désastre "( Havard, La Tapisserie, 33).
Sur tous les marchés algériens, on vit apparaître des marchands
d'aniline, qui chassèrent peu à peu les reggams et les bergers
vendeurs de plantes tinctoriales. Or, l'aniline est fugace. Elle
donne des tons criards, les rouges et les verts notamment- Elle
déborde le dessin, le dégrade et fait d'un tissu un bariolage
hétéroclite de couleurs. Le tapis algérien perdit rapidement sa
réputation de pureté sobre, de finesse délicate, de solidité.
7° Les teinturiers s'étaient d'ailleurs heurtés à un
obstacle imprévu : la difficulté de se procurer des matières
premières- A Kalaâ, par exemple, les chênes-kermès qui
fournissaient une belle couleur rouge, avaient été détruits par
de nombreux incendies. Les champs de garance, de gaude, avaient, de
leur côté, fait place à des cultures plus lucratives.
Telles sont, sommairement énumérées, les causes qui
entraînèrent en Algérie la décadence des arts indigènes.
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