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   " modernes ne résistant ni à l'eau, ni à la lumière. Les acheteurs ne voulaient plus, à aucun prix, des tapis algériens parce que leurs couleurs étaient trop fugaces. Par suite la production, diminuant de jour en jour, était sur le point de disparaître.
" Une solution, très logique au premier abord, frappa tous les esprits. Le passé avait été glorieux, les spécimens de la bonne époque le prouvaient; donc, pour rénover ce qui avait été prospère, il fallait faire un retour en arrière et recommencer à teindre à l'aide des couleurs végétales. " (Delaye, La teinture des tissus orientaux, p. 2).
 
Quelques chercheurs, animés des meilleures intentions, firent campagne en faveur d'un retour aux plantes tinctoriales. Ils oubliaient que si celles-ci avaient pu suffire à la production limitée d'avant 1830, elles s'avéraient impuissantes pour assurer la teinture des nombreux tapis qui sortaient des écoles-ouvroirs. Ils perdaient de vue que si quelques végétaux donnent du brun, du noir, du jaune, du rouge, tous les autres colorant, autrefois usités, étaient d'importation étrangère. Ils négligeaient enfin l'immense transformation économique qui avait suivi l'occupation française : la lente recherche des plantes tinctoriales, les procédés primitifs d'extraction et de fixation devaient faire place à des méthodes plus rapides et plus modernes.
 
En outre, si l'aniline qui disparaît rapidement sous l'action de la lumière, devait être à tout jamais condamnée, pourquoi ne pas demander aux progrès de la chimie industrielle la gamme d'une palette nouvelle ? Le bleu et le violet de Cobalt, l'outremer de Guimet, le brun Van Dyck, le jaune de cadmium, les chromates de zinc, par exemple, vendus par le commerce, offraient un éclat, une solidité, des avantages économiques qu'il eût été inopportun de négliger.
 
L'alizarine, notamment, avait fait depuis 1904 des progrès considérables dans la chimie des couleurs. Sa préparation, de plus en plus perfectionnée, avait remédié aux imperfections du début : la nuance rose avait été réalisée, la taie voilée avait disparu, l'éclat en était désormais franc et loyal. Elle pouvait donner des tons splendides " résistant aussi bien à la lumière et au lavage que la meilleure garance, avec l'avantage de laisser la laine plus souple ". (Delaye, op. cit. 7). L'indigotine synthétique, les oxyquinones, pouvaient également rendre d'utiles services et remplacer avec avantage les couleurs végétales.
       L'Administration tenta l'expérience, en se gardant de s'enfermer dans une formule unique: On fit appel aux conquêtes définitives de la chimie des couleurs. L'Académie d'Alger créa une École de teinturerie, confiée à M. Delaye et qui a donné les meilleurs résultats. Toutes les gammes indiquées dans le Traité des couleurs de Chevreul ont été reproduites, avec des adjonctions de nuances indéfinissables, de véritables arc-en-ciel dont les tons se dégradent les uns  
Tapis de Rabat (Ecole d'Oran).
dans les autres. C'est sans aucun doute l'un des répertoires les plus complets qui soient de l'invention polychromique. Les laines, une fois teintes par l'École de teinturerie, sont ensuite mises à la disposition des ouvroirs.
Les expositions qui ont eu lieu, au cours de ces dernières années, ont permis de constater le degré de perfection atteint à cet égard. Certains tapis, tissés à Alger, Oran, Constantine ou Blida, ont présenté des bleus d'une note inégalée, allant de la sombre teinte méditerranéenne, à la
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