|
comment, dans ces conditions, trouver des élèves qui consentent à
suivre les cours de nos ateliers de forge? D'autre part, le
khammessat a constitué, jusqu'à ces dernières années, la
pépinière de la main d'œuvre rurale; comment former des
laboureurs, des moissonneurs, des jardiniers, si leur intrusion dans
la vie algérienne risque de se traduire par la déchéance de ces
groupes de khammès, encore si nombreux dans le pays, et qui, dans
les Hauts Plateaux, dans le Tell, forment l'ossature de la vie
rustique ?
2° La formation d'une main-d'œuvre indigène, en ce qui concerne
notamment les professions du bois et du fer, risquait de se heurter
aux métiers similaires exercés par les Européens, et de leur
opposer une concurrence d'autant plus victorieuse, que nos sujets
musulmans, limités dans leurs besoins et leurs goûts, n'ont pas
les exigences du salariat français ?
Ces antinomies d'apparence insoluble ont cependant été conciliées
en particulier par la création des Centres d'éducation
professionnelle, aujourd'hui en pleine prospérité, qui ont
tourné, avec une remarquable souplesse, les obstacles
précédemment signalés.
Notre initiative s'est inspirée des buts suivants
a) Au point de vue social: Fixer l'indigène au sol d'une
manière solide et définitive. Les derniers recensements ont, en
effet, montré que la Ville algérienne devient, elle-même, " tentaculaire
" et qu'elle commence à exercer une attraction irrésistible
sur les masses indigènes des alentours. C'est là, il ne faut pas
se le dissimuler, l'amorce d'un exode rural dont les effets ont
été trop néfastes dans la Métropole pour qu'il ne soit pas
urgent d'en prévenir les manifestations dans notre Colonie.
En outre, les ventes inconsidérées de terrains ont créé ça et
là une sorte de prolétariat rural, une classe de déracinés plus
ou moins flottante qu'il s'agit d'encadrer à nouveau dans la
société indigène. On se propose de recaser socialement les
anciens nomades qui ont vendu leur cheptel, les petits fellahs dont
l'imprévoyance a dissipé le patrimoine terrien, les artisans des
douars qui n'ont pas résisté à la concurrence savante des
techniques manufacturières.
b) Au point de vue moral : Tenter la restauration du
métier qui, on le sait, a non seulement, une signification
professionnelle, mais encore et surtout une valeur moralisatrice des
plus fortes. Il paraissait indispensable d'incorporer
psychologiquement l'indigène à l'organisme franco-musulman, de lui
donner la sensation que ses intérêts sont étroitement enlacés
aux nôtres, que son bien-être est |
|
|
|
fonction de la prospérité collective. Quelque ambitieux que cela
puisse paraître, il fallait faire naître dans ces mentalités
encore inéduquées, la notion moderne du " contrat social
". Il fallait, si nous pouvions rappeler ici une phrase de
Durkheim, " apprendre à l'indigène à " jouer son rôle
d'organe ".
c) Au point de vue économique : l'Administration s'est
proposée d'obtenir un rendement plus intensif des terres cultivées
par les indigènes; de faire ainsi acquérir à l'Algérie sa pleine
limite économique; d'accroître la richesse individuelle, en
créant une main-d'œuvre habile
|
|
et experte, apte à recevoir des salaires appropriés à son
travail.
Les Centres d'éducation professionnelle sont avant tout des foyers
de vulgarisation.
Leur but, au point de vue agricole, est :
1° De propager parmi les fellahs et les artisans indigènes nos
méthodes et nos systèmes de travail;
2° De fournir à ces fellahs, à ces artisans, des moyens de
culture et de travail qui leur permettent de tirer un parti
profitable des connaissances acquises, de régulariser, de
perfectionner et d'accroître leur production.
Les centres ne sont pas des écoles proprement dites.
|