|
Si intéressants que puissent être ces chiffres pour apprécier
l'effort accompli, ils ne montrent pas à eux seuls le progrès
réalisé. Sans doute, a-t-on le droit de remarquer avec
satisfaction que le nombre des garçons et des fillettes musulmanes
qui, en 1930, bénéficient de l'instruction française, à l'école
primaire, est le sextuple de ce qu'il était en I890 et que, comme
de juste, le nombre des classes ouvertes pour eux a augmenté selon
la même progression; mais il importe aussi de dire que le niveau de
l'instruction s'est relevé également. Il y a trente ans, il y a
vingt ans même, rares étaient les établissements où l'on pouvait
constituer un vrai cours moyen: de tels cours n'existaient que dans
des écoles de Kabylie et dans certaines villes. A présent, presque
toutes les écoles auxiliaires à une seule classe présentent des
candidats au certificat d'études primaires et les font recevoir. On
institue, dans les écoles un peu importantes, des Cours
supérieurs. Il existe dix cours complémentaires d'enseignement
général, dont les élèves ne sont pas inférieurs à leurs
camarades des écoles d'Européens, puisqu'ils affrontent les mêmes
examens, les mêmes concours et y sont admis dans la même
proportion. C'est depuis 1922 que ce progrès s'accentue. C'est que,
de plus en plus, les élèves indigènes affluent dans nos écoles.
Alors que, dans les débuts il fallait exercer une pression plus ou
moins marquée sur les parents arabes et même kabyles, pour les
décider à envoyer leurs enfants dans nos classes, maintenant ils
les amènent d'eux-mêmes. La fréquentation, si pénible autrefois,
est devenue régulière ; la moyenne générale des présences
dépasse 90 %. Les parents indigènes ont compris l'utilité de
l'instruction. Ils demandent fréquemment, par voie de pétitions,
par délibérations de leurs djemaâs ou même des commissions
municipales, la création de nouvelles écoles, l'agrandissement de
celles qui existent, au lieu de laisser, comme naguère, à
l'administration française l'initiative de ces décisions. Mieux
que cela : des villages offrent des maisons pour l'installation de
l'école; des notables prennent chez eux, à leurs frais, des
moniteurs pour enseigner le français à leurs enfants. Et ces faits
ne sont point, comme on pourrait le supposer, particuliers à la
Kabylie; ils se produisent aussi en pays arabe.
Cette « conquête » des indigènes par l'école est due
assurément, pour la plus grande part, à l'école elle-même qui
est parvenue, malgré les préjugés des autochtones, à vaincre les
préventions, à faire disparaître les défiances, à se faire
apprécier et aimer. De plus, nos administrés |
|
|
|
musulmans, sans cesse rapprochés de nous, soumis à la
conscription, mêlés à nos colons, allant fréquemment en France
pour s'employer comme ouvriers, ont compris l'intérêt qu'il y a à
la connaissance du français et à la possession d'une bonne
instruction primaire.
Nous avons, dans un chapitre précédent, montré l'effort
réalisé pour le développement de la technique et de la formation
professionnelle. Nous avons énuméré les cours d'apprentissage que
l'Académie a annexés à ses écoles primaires. Sans revenir trop
longuement sur ce rait il importe de préciser ce que nos
instituteurs ont tait pour l'enseignement agricole et celui des
travaux manuels. Là où l'école est dotée d'un terrain suffisant,
les élèves sont exercés à la culture maraîchère et à
l'arboriculture. Les indigènes qui sortent de .l'école à treize
ou quatorze ans, savent planter, tailler, greffer les arbres
fruitiers. Ils s'intéressent aux travaux, qu'ils ont pratiqués
durant leurs études; ils sont à même de mieux tirer parti de leur
jardin ou de leur terre, de devenir dans les grandes exploitations
de bons ouvriers agricoles.
L'action de l'instituteur dans ce domaine ne s'exerce pas seulement
sur ses élèves : elle s'étend à la population indigène au
milieu de laquelle il vit. Le jardin de l'école est le jardin
modèle, que les fellahs viennent voir, qu'ils essaient
d'imiter. Par leurs enfants, ils reçoivent fréquemment des
graines, des plants de légumes, des arbres; ils en achètent
eux-mêmes, sur les indications des maîtres. C'est grâce à la
propagande intelligente des instituteurs qu'ont été plantés les
nombreux cerisiers qui, dans la région de Fort-National,
embellissent et enrichissent les jardins kabyles.
Depuis 19I0, l'administration académique a organisé, soit en
annexe à des écoles, Taourirt-Zouaou, (en Kabylie) ; Ammi-Moussa
et Mazouna (dans le département d'Orant), soit à part (Ben Chicao,
dans le département d'Alger) de véritables fermés-écoles.
Il est une autre initiative plus récente (1924) qui mérite encore
d'être signalée, en matière d'enseignement agricole : des cours
d'adultes; non point cours du soir, ni conférences selon la formule
ordinaire, mais leçons pratiques, faites la plupart du temps
sur le terrain et l'outil en main : culture de pommes de terre;
essais d'engrais; plantation, greffage et taille de la vigne,
apiculture, élevage de vers à soie,
|
|