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   et même des voyageurs pressés à destination du Maroc oriental et central.
Constantine a séduit tous les amis du pittoresque et tous l'ont visitée, hantés par le souvenir des deux sièges. Le contraste entre la ville européenne et le quartier indigène a été complaisamment décrit. Il est digne de remarque que les images qui nous sont données des trois villes sont assez différentes. Les amateurs de pittoresque, les plus nombreux, y ont promené le dilettantisme du voyageur artiste. Leurs impressions sont souvent vigoureuses, parfois poétiques, et dans cette masse de documents il y a à glaner tout un florilège. Nous devons noter une disposition d'esprit assez fréquente qui atteste la valeur de l'enseignement géographique qu'ont reçu les maîtres de notre enseignement primaire. Les méthodes de la science géographique la plus récente leur sont bien connues et ils ont tenté d'en faire l'application pour interpréter ce qu'ils voyaient. Mlle Bouchan, professeur à l'École normale de Guéret, laisse « de côté toutes les impressions artistiques ou pittoresques pour se borner à signaler quelques faits de géographie physique, humaine et économique ». M. Fénelon, professeur à l'École primaire supérieure de Belvès, fait un cours judicieux de géographie physique. D'autres sont préoccupés davantage de géographie économique : la culture de la vigne en Mitidja, le problème des communications, le mouvement des ports sont étudiés avec une précision digne de spécialistes. Un grand effort pour apprécier l'oeuvre colonisatrice de la France est remarquable partout. Les voyageurs ont compris que c'était cela surtout que le Comité du Centenaire leur demandait d'observer afin d'en rendre compte plus tard à leurs élèves. La colonisation de la Mitidja a été bien étudiée et, les souvenirs de lecture aidant, de suggestives comparaisons établies entre la stérilité de 1830 et la
      

prospérité d'un siècle plus tard. En revanche les grands travaux d'irrigation du Tell n'ont pas été mentionnés, les voyageurs ayant grande hâte (hâte bien légitime du reste) d'aller vers le sud contempler le désert. Ils en rêvaient tous, du désert ! de son immensité mouvante chauffée à blanc par le soleil. Tous voulaient goûter la fraîcheur miraculeuse des oasis perdues au milieu de la fournaise. C'est à Biskra, particulièrement accessible grâce aux chemins de fer, qu'ils sont généralement allés chercher cette impression du grand sud. L'émotion chez tous a été vive, encore que fortement influencée par les souvenirs littéraires : il est si difficile à un intellectuel de regarder quoi que ce soit avec des yeux ingénus ! Mais pourtant quelle conquête a faite l' Algérie de ces âmes occidentales ! J'en veux la preuve dans ces vers qu'un professeur de Lyon, Mr Forest, joint à son rapport : ils sont beaux, bien que n'obéissant pas à la loi de la rime, ils ont un rythme souple et rare et paraissent empreints d'une vraie nostalgie :

TOZEUR

Je suis, si vous voulez, une Bédouine bleue,
Mon chemin est de sable et les murs sont dorés,
Mon chemin et les murs ont la même couleur.
L'horizon, fil ténu plus haut que le Djerid
Et, si limpide. l'or de ce lac ignoré,
Une lente oasis qui se dessine et meurt
Pour reparaître ici et là et s'évanouir.
Mon âme, elle, a choisi les mirages du sud
Et les vêtements bleus des femmes de Tozeur.
Mon âme, elle, a choisi cette halte dorée
Dans la lumière pure et le ciel toujours bleu,
Mais les soirs, le couchant devient de sable rouge
Et mon chemin sans ombre a la même splendeur.



 

 
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