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Du reste ces deux populations algériennes peuvent se rapprocher, malgré le mépris du Musulman pour le Juif, et la défiance de l'un et de l'autre à l'égard du colon, et communier dans le patriotisme algérien dont Mlle Paparel, professeur à l'École normale d'Institutrices de Nîmes, note justement la force. « Qu'il soit colon ancien ou de venue récente, instituteur indigène ou Français impeccable (?), adolescent très fier de son certificat d'études, ou pasteur à demi nomade, rassemblant tout son savoir pour décider « la dame européenne à aller  visiter Djelfa, il pense toujours que l'on ne peut venir en Algérie que pour s'y fixer et qu'on y est plus heureux qu'en France et qu'on ne saurait quitter la terre d'Afrique quand on y est venu. Cet amour du pays  est le gage le plus sûr de la bonne entente et de la  prospérité ».

 

c) La colonisation

La plupart de nos boursiers ont eu le désir de contempler les ruines grandioses des villes romaines de Mauritanie et de la Province d'Afrique, et beaucoup se sont imposé de longs voyages en autobus ou en automobile pour y accéder. Tous ont été émerveillés et ils ont découvert avec M. Belaud, professeur à l'École supérieure de Saint-Jean d'Angely, qu'on y avait une « vie raffinée » plus agréable que celle que Européens et Indigènes mènent aujourd'hui. Ils en ont conclu que nous n'avons pas encore « fait aussi bien que les Romains ».
Sans doute, mais il faut penser que nous sommes en Algérie depuis seulement cent ans, tandis que les Romains y sont restés cinq siècles — et que nous devons réparer les ruines de plusieurs siècles de domination arabe, et de régence turque. La conquête arabe a créé une Afrique musulmane et la défiance,

       sinon la haine, du Croissant pour la Croix ne facilite pas notre tâche. Notre effort a pourtant été grand et malgré nos hésitations, malgré que nous ayons fait trop souvent de l' Algérie une terre d'expériences en matière de colonisation, que trop de rêves se soient interposés entre ce pays et les nécessités du moment (rêve de colonisation à la romaine de Clauzel à Bugeaud, de colonisation libre, trop tôt, à l'époque de Vallée, de colonisation dirigée, d'exploitation Saint-Simonienne, de colonisation pénale, de mise en valeur par de puissantes sociétés par actions, de proconsulat militaire et de royaume arabe, de colonisation patriotique quand on y transporta les Alsaciens-Lorrains après 1871, pour en revenir enfin à des systèmes moins théoriques et plus modestes de mise en culture par le colon avec l'aide de l'indigène), malgré bien des erreurs, dont quelques-unes ont été tragiques, l'oeuvre accomplie par la France mérite l'admiration. Cette admiration, tous les boursiers ne l'ont pas ménagée. Le riche jardin qu'est devenue la marécageuse et insalubre Mitidja, a séduit les visiteurs et leur enthousiasme est grand. Boufarik, Blida ont eu en presque tous des chantres sincères, même en ceux qui ne les ont pas trouvées aussi poétiques que les avait faites la fantaisie d'un grand écrivain. Nous répondrons à la question mélancolique posée par Mlle Aymard, professeur à l' École normale d'Institutrices d'Alençon : « Faut-il aller voir les lieux que les poètes ont chantés ? » — Jamais. Mademoiselle, surtout quand ils ont le tempérament de l'admirable écrivain qu'est André Gide, qui partout ne voit que lui-même. Et c'est pourquoi, lectrice des « Nourritures terrestres », vous êtes allée, amoureuse de Blida, contempler « la petite rose, fleur du Sahel » et y avez trouvé un médiocre bois sacré « qu'éclairent, ô sacrilège, des réverbères à gaz ! » Mais quand, délaissant Gide comme un simple  
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