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   dans laquelle l'Italie avait pénétré avec quelque brusquerie au lendemain de la déclaration de la guerre balkanique de 1912.

Pour mieux marquer encore tout !'intérêt qu'il attachait à ces questions, il désira que deux de ses amis et plus fidèles collaborateurs fussent nommés au commandement du territoire d'Aïn-Sefra et de celui des Oasis.

Le colonel Levé fut envoyé à Aïn-Sefra. Jeune com­mandant d'infanterie. je fus désigné pour remplacer, à In-Salah, le commandant Payn dont le séjour touchait à sa fin.

Vers l'Ouest, depuis le départ du général Lyautey appelé, après avoir pris le commandement de la division d'Oran. à celui du XIIème Corps d'armée. qu'il devait bientôt abandonner pour être nommé résident général de France au Maroc, la situation politique et militaire était demeurée instable.

Oulad Djerir et Doui-Ménia, laissés libres à l'Ouest de la ligne immédiate de nos postes, ne se faisaient pas faute d'accueillir, de renseigner et aussi sans doute de soutenir parfois d'un concours plus effectif les Beraber du Tafilalet. Le général Levé s'attacha à gagner les chefs de ces tribus, à les mettre plus complètement de notre côté. C'est de son temps que Kenadsa, Meridja et Abadla rentrèrent dans le rayon normal de notre action.

Au territoire des Oasis, le combat d'Esseyen semblait avoir arrêté pour un temps les menaces des Senoussistes, le Hoggar était tranquille. Il paraissait seulement désirable de ce côté d'organiser au mieux la collaboration la plus cordiale entre troupes sahariennes de l'Algérie du côté du Nord, du Hoggar et du Soudan français du côté du Sud.

D'ailleurs, les Italiens, par l'occupation de en 1913 et de Chat en août 1914, allaient introduire un élément nouveau dans le cycle de notre politique. mais il ne semblait pas que cet élément dut être nuisible, car l'Italie en était à la période du sourire et une collaboration toute amicale, sans autre réserve que celle obligatoire à tenir vis-à-vis de l'un des membres principaux de la Triplice, paraissait devoir s'instituer.

En plusieurs voyages consécutifs, de novembre 1913 à juillet 1914, le nouveau commandant militaire des Oasis put prendre les contacts utiles avec les autorités italiennes et les camarades soudanais rencontrés à Tin-Zaouaten (commandant Cauvin).
Bref, en juillet 1914, la situation politique et militaire paraissait tellement bien assise que, revenu pour la
      

deuxième fois auprès du Père de Foucauld, nous commençâmes à parler d une question qui lui tenait bien à cœur celle de la pénétration saharienne par les moyens de la technique moderne. Créations de réseaux de T. S. F. Tracés de routes et pistes automobilisables permettant de relier facilement Alger aux points les plus extrêmes du Sahara algérien et même aux postes français du Niger et de Zinder. Je me souviendrai longtemps de cette longue soirée du 21 juillet que nous passâmes ensemble, sous une nuit calmement étoilée de l'été saharien, à dessiner pour l'avenir.

J'avais vu en même temps Moussa Ag Amastane, dont j'avais pu apprécier et aimer la loyauté et la vaillance de sentiments. Je retournais vers le Nord, après un court repos passé sous les ombrages de Tazerouk, lorsque la nouvelle de la déclaration de guerre allemande vint m'atteindre le 25 août à Amguid, et retarder, d'un seul. coup, de plus de dix ans, la réalisation des beaux projets ébauchés.

L'état de guerre ne paraissait pas, a priori, devoir influer sensiblement sur la situation politique du Sahara : nomades et sédentaires, bien protégés contre toutes agressions par des troupes de police de premier ordre, ne bougeraient certai­nement pas, s'ils étaient défendus de tout contact avec des éléments extérieurs.

Au dehors, l'état d'anarchie complète où se trouvait le Sud marocain semblait devoir empêcher les dissidents de tenter quelque entreprise d'envergure. Le seul point noir existait -dans l'Est.

La première question, angoissante au premier chef pour les territoires des Oasis, était celle de savoir si l'Italie maintiendrait l'attitude de neutralité amicale qu'elle avait adoptée tout d'abord. A tout hasard, il fallait surveiller de près son activité tout le long d'une frontière longue de plusieurs centaines de kilomètres et sur laquelle on savait que d'importants mouvements de troupes avaient lieu. Dès le 15 septembre, alors que l'entrée des Italiens à Ghat datait du 12 août, nous prenions contact avec les autorités italiennes et nous pouvions constater que tout était à la neutralité de ce côté.

Mais quelques semaines ne s'étaient pas écoulées que déjà les éléments de la situation politique et militaire se trouvaient transformés. La pénétration des Italiens en Tripolitaine avait été trop rapide et les arrières de leurs colonnes, lancés à plus de 1.000 kilomètres au Sud de la côte, n'étaient pas suffisamment couverts. D'ailleurs la

 
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