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   hôtelière se transforme. Alger pour le centenaire construit un casino, dont l'inexistence était surprenante, dans une ville rivale de Nice et de Monaco.

Les Banques

Faut-il mettre les banques au chapitre de l'Industrie? ou à celui du Commerce ? Question oiseuse.

L'Algérie s'est créé une organisation bancaire, au sommet de laquelle est la Banque d'Algérie, qui est banque d'émission, c'est-à-dire qu'elle fabrique des billets de banque, monnaie propre de l'Algérie.

En tout pays la Banque est une puissance énorme. En Algérie elle est quelque chose de particulier à cause de la tenure du sol, et des répercussions qu'a cette tenure du sol sur l'esprit public.

A l'origine, les concessions administratives étaient de 4 hectares. En 1851, l'administration croyait être généreuse en portant ce chiffre à 6. Aujourd'hui elle a reconnu elle-même la nécessité d'aller jusqu'à 30 ou 40. Mais la vie, le jeu des transactions, ont eu vite fait de faire sauter le cadre des concessions.

La petite et la moyenne propriété subsistent, mais la très grande s'est développée. Boufarik a une couronne de fermes énormes. Trumelet, qui les énumère en 1887, attribue à la ferme Saint-Charles, par exemple, 840 hectares.

II y a mieux. Dans ce même Boufarik, à cette même date de 1887, si on met bout à bout les différentes fermes attribuées à Debonno, on arrive à un total de 2.540 hectares.

Ces grosses fermes sont nées d'un effort individuel, drainage et mise en valeur de marais par l'initiative privée, enfouissant dans le sol de gros capitaux. Les hommes, qui non seulement possèdent ces immenses domaines, mais qui par surcroît n'en ont pas hérité, qui les ont créés de leurs mains, au cours de batailles économiques dangereuses; ces hommes-là sont des capitaines d'industrie.

Notez que ces capitaines d'industrie restent toute leur vie engagés dans là bataille avec tous ses aléas. A la fin du dernier siècle, au moment le plus critique de la mévente des vins, Debonno, le propriétaire de 2.540 hectares, a croulé totalement.

C'est là ce qui met un lien étroit entre la banque et l'agriculture algérienne, surtout lorsque c'est de la viticulture.

      

La vigne n'atteint son plein rendement que quatre ou cinq ans après sa plantation. Lorsqu'elle est en plein rendement, les frais sont énormes, surtout depuis que les maladies parasitaires exigent des sulfatages, des traitements chimiques préventifs.

Si le colon était un paysan de chez nous, vivant de père en fils sur deux ou trois hectares de vigne, il s'en tirerait sans assistance. Mais le colon n'est pas un paysan de chez nous. Il compte ses hectares par dizaines, et son fonds de roulement dépasse ses possibilités personnelles. Son fonds de roulement n'est pas à lui, il l'emprunte à la banque.

Il est vrai que, à la récolte, il fait, bon an mal an, d'énormes bénéfices excédant sa dette de beaucoup. S'il était sage, il arriverait à se constituer par l'épargne son propre fonds de roulement. Mais il ne peut pas être sage. Autour de lui, dans ce pays neuf, trop de terres en friche le sollicitent. Il est paysan par l'amour passionné de la terre; mais c'est un paysan aventureux. Il enfouit son béné­fice dans des entreprises nouvelles, il s'endette davantage pour gagner plus. Ce sont là des sentiments très louables : cela s'appelle l'esprit d'initiative. Mais la viticulture ainsi comprise devient matière éminemment spéculative.

Dans ce pays où les grosses fortunes ne sont pourtant pas rares, il n'y a peut-être pas un colon qui ne soit dans la main de la Banque.

 
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