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   marocaine et venait d'anéantir à peu près complètement le 23 septembre, près de Sidi Brahim, le détachement avec lequel le lieutenant-colonel de Montagnac avait tenté de l'arrêter (1). On comprend quelle immense impression un tel événement avait produit dans les tribus. L'insurrection se généralisait.

Cavaignac se hâta d'aller couvrir Tlemcen, et de rallier à lui les petites colonnes de sa subdivision. Cependant, un détachement de 200 hommes envoyé pour défendre le poste d'Aïn Temouchent fut surpris le 27 septembre en cours de route et se rendit sans combat! Ce nouveau succès de l'Émir contribua à attiser l'incendie. Les tribus du sud de Tlemcen se révoltèrent et assassinèrent, le 1er octobre, deux officiers attirés dans un guet-apens...

Abd el Kader faisait le vide dans le pays, forçant les tribus à émigrer au Maroc auprès de sa « deira ». Cavaignac décida de barrer la route à ce mouvement : il alla occuper le col de Bab Taza, qui domine la région, et y fut rejoint par La Moricière, accouru en hâte d'Alger avec des renforts. Leurs forces réunies attaquèrent alors le 13 septembre en trois colonnes les Trara révoltés, qui tenaient le col d'Aïn Kebira, défendant l'accès de leurs montagnes. Cavaignac commanda la colonne qui avait la mission la plus difficile; il gravit avec elle des pentes escarpées, sous la fusillade des Kabyles, et enleva brillamment la position, décidant du succès de la journée, tandis qu'Abd el Kader abandonnait les populations qu'il avait compromises. Ces populations, entassées dans un pâté montagneux, furent acculées à la mer par un nouveau combat où Cavaignac joua encore le principal rôle; elles étaient à la merci de La Moricière, qui, voulant être généreux, leur fit grâce.
La Moricière étant reparti vers l'est, à la suite d'Abd el Kader, Cavaignac s'appliqua à empêcher l'émigration des tribus de sa subdivision. Il constitua, avec l'élite de ses troupes, une colonne qui parcourut la région en tous sens, et parvint à ramener une importante partie des émigrés sur leurs territoires.
Ces résultats obtenus, il projeta en février 1846 de surprendre la deïra d'Abd el Kader qui était campée au Maroc vers la Moulouïa, tandis que l'Émir opérait d'ans l'Est. Mais sa tentative fut éventée, et lorsqu'il atteignit

(1)Voir: Sidi-Brahim, par le Général Paul Azan, Paris, librairie Lavauzelle, 1930.
      

la Moulouïa avec sa cavalerie, la deïra était loin... Il revint par l'itinéraire qu'avait suivi Abd el Kader pour entrer en Algérie, et passa par Sidi Brahim ; il retrouva sur le terrain les ossements des chasseurs d'Orléans et des hussards, marquant les phases de leur lutte héroïque, il les fit inhumer et leur rendit les derniers honneurs.

Au mois de mars 1846, c'est dans le sud qu'il opéra, malgré la pluie et la neige, ramenant des Hauts-Plateaux à Tlemcen plusieurs milliers de têtes de bétail enlevées aux tribus insoumises. Cependant l'un des agitateurs, Sidi et Fadel, qui se prétendait le Christ ressuscité, avait groupé autour de lui différentes fractions de tribus, et les avait fanatisées; il vint audacieusement se mesurer à lui à quelques kilomètres de Tlemcen, et fut taillé en pièces. Cavaignac alla ensuite, au mois de juin, punir les tribus de la frontière qui étaient venues renforcer les contingents d'Abd el Kader lors du combat de Sidi Brahim, et qui avaient emporté dans leurs douars les dépouilles des soldats français; il accula à la mer quelques centaines de leurs combattants, et vengea ses frères d'armes tombés neuf mois auparavant.
Peu à peu, les traces de l'insurrection disparurent dans sa subdivision; les tribus regagnèrent leurs territoires abandonnés et reconnurent son autorité. Il ne cessait d'ailleurs de diriger des colonnes, tantôt vers le nord de Tlemcen pour assurer la rentrée des impôts, tantôt vers le sud pour amener à la soumission les tribus récalcitrantes.
Sa santé étant ébranlée par les fatigues qu'il s'était imposées, le général Cavaignac alla se reposer en France. Il revint au moment même où Abd el Kader, traqué par lés Marocains, se rejetait vers l'Algérie, et eut la joie de recevoir avec La Moricière, le 23 décembre 1847, la soumission de celui qu'il avait combattu.

Nommé en janvier 1848 commandant par intérim de la division d'Oran, pendant que La Moricière allait prendre part aux travaux parlementaires, il s'y trouvait lorsque la Révolution de 1848 fit proclamer la République. Il fut aussitôt nommé, le 25 février, gouverneur général de l'Algérie, et promu général de division le 28 février. C'était une revanche soudaine et complète contre l'ostracisme qu'il avait parfois éprouvé en raison de ses opinions républicaines. Il devait peu de semaines après, accepter le ministère de la Guerre, exercer en juin la dictature, devenir président du Conseil avec pouvoir exécutif, et se retirer après l'élection de Louis Napoléon contre lui à la Présidence

 
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