|
Nommé lieutenant-colonel à la suite de ce beau fait d'armes,
Cavaignac reçut le commandement du 3e bataillon de zouaves, dont
l'organisation avait été décidée, et dont les premiers
éléments furent fournis par ses volontaires de Tlemcen. C'était
un commandement qui convenait parfaitement à cet officier d'élite,
aussi ferme que brave, aussi digne que familier.
Chargé d'occuper et d'organiser Médéa, il se distingua en
novembre et décembre 1840, exécutant des sorties contre les tribus
soumises à Abd el Kader, et allant même, en janvier 1841, avec 500
hommes, razzier une tribu que protégeaient les soldats réguliers
de l'Émir.
En transmettant au Ministre le rapport, toujours modeste, de
Cavaignac sur cette affaire, le général Schramm gouverneur
général par intérim, ajoutait : « Cet officier supérieur,
éminemment distingué et capable, est digne à tous égards de
votre intérêt et appelé à rendre de nouveaux et éclatants
services dans les nouveaux grades que vous voudrez bien lui faire
conférer n. Mais les grades étaient plus difficiles à conquérir
pour lui que pour d'autres, en raison de ses opinions politiques.
Cavaignac, qui s'en rendait compte, continuait néanmoins à
accomplir stoïquement son devoir, faisant exécuter, malgré les
rigueurs de l'hiver, les travaux d'installation de Médéa de
manière à en faire un poste sain, agréable, et bien pourvu de
produits agricoles.
L'arrivée de Bugeaud en février 1841 fut bientôt suivie
d'opérations auxquelles Cavaignac prit une part brillante, en avril
dans la province d'Alger, en mai dans celle d'Oran. Promu colonel en
août, il remplaça à la tête des zouaves La Moricière, nommé
lui-même maréchal-decamp, et les commanda aux dures expéditions
de 1842 et au début de 1843, recevant souvent la mission difficile
de former l'arrière-garde.
Pour tenir le pays, au moyen du réseau de grands postes qu'il avait
imaginé, Bugeaud décida au mois d'avril 1843 d'aller occuper
Ténès sur la mer et de fonder un camp permanent entre Miliana et
Mostaganem, dans la vallée du Chélif, en un point appelé El
Asnam. dl espérait de cette façon tenir une région qui avait
jusque là échappé à son autorité. Cavaignac reçut la mission,
tout en surveillant le pays, de faire sortir de terre, à El Asnam,
le poste qui reçut ensuite, le nom d'Orléansville. Il réalisa
cette oeuvre d'une manière aussi rapide que complète, construisant |
|
|
|
un pont sur le Chélif, une route allant à Ténès, une autre
route se dirigeant d'une part sur Miliana, d'autre part sur
Mostaganem, des casernes, des magasins, des fortifications, des
maisons. Les colons vinrent s'établir dans le nouveau centre, les
Indigènes approvisionnèrent son marché.
Sa subdivision d'Orléansville comprit deux cercles; celui d'Orléansville
où s'établirent 500 Européens, et celui de Ténès, où 1.000
s'établirent. Cavaignac qui, avec les 2.500 hommes sous ses ordres,
avait à réaliser nombre de travaux, parvint en outre à aider
considérablement ces colons pour leur établissement; il fit, dans
les deux postes, défricher des terrains, créer des pépinières,
bâtir des maisons et des fermes, canaliser les ruisseaux, si bien
qu'il transforma rapidement les camps en petite ville. Il organisa
l'administration des Indigènes avec des fonctionnaires musulmans
investis par ses soins; il détermina avec soin les impôts à
exiger; il fit distribuer des vivres et des semences aux tribus
qu'il avait été obligé de razzier pour les soumettre, il montra
une fermeté constante, mais une justice impartiale. Il obtint par
cette sage administration, une sécurité presque complète de la
région et réalisa une collaboration fructueuse entre les
éléments européens et indigènes; les impôts rentrèrent au
delà des espoirs permis et la production agricole s'accrut dans des
proportions importantes.
Le grade de maréchal de camp qui vint récompenser en septembre
1844 les mérites de Cavaignac l'amena en octobre au commandement de
la subdivision de Tlemcen. Le général Bedeau avait rétabli la
paix et la prospérité dans cette ville rendue jadis à Abd el Kader
par le traité de la Tafna. Mais l'Émir, réfugié au Maroc,
intriguait toujours, quoique mis hors la loi par le traité avec le
Maroc.
Cavaignac entreprit, pendant l'été de 1845, de pacifier le
pourtour de sa subdivision, en frappant les tribus insoumises du
Sud, dans la région des Chotts, et en surveillant la frontière du
Maroc par où on pouvait craindre des incursions d'Abd el Kader.
Comme en septembre une certaine agitation se manifestait dans les
montagnes des Trara, il s'y porta avec une colonne et attaqua les
révoltés; il constata chez eux un acharnement extrême, les
battit, et n'obtint cependant aucune soumission. Étonné de cette
anomalie, il en connut bientôt la raison : Abd el Kader avait
franchi la frontière
|
|