Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 4 LES GRANDS SOLDATS DE L'ALGÉRIE Pages suivantes
- 98 - Table des matières - 99 -
   
   Nommé lieutenant-colonel à la suite de ce beau fait d'armes, Cavaignac reçut le commandement du 3e bataillon de zouaves, dont l'organisation avait été décidée, et dont les premiers éléments furent fournis par ses volontaires de Tlemcen. C'était un commandement qui convenait parfaitement à cet officier d'élite, aussi ferme que brave, aussi digne que familier.

Chargé d'occuper et d'organiser Médéa, il se distingua en novembre et décembre 1840, exécutant des sorties contre les tribus soumises à Abd el Kader, et allant même, en janvier 1841, avec 500 hommes, razzier une tribu que protégeaient les soldats réguliers de l'Émir.

En transmettant au Ministre le rapport, toujours modeste, de Cavaignac sur cette affaire, le général Schramm gouverneur général par intérim, ajoutait : « Cet officier supérieur, éminemment distingué et capable, est digne à tous égards de votre intérêt et appelé à rendre de nouveaux et éclatants services dans les nouveaux grades que vous voudrez bien lui faire conférer n. Mais les grades étaient plus difficiles à conquérir pour lui que pour d'autres, en raison de ses opinions politiques. Cavaignac, qui s'en rendait compte, continuait néanmoins à accomplir stoïquement son devoir, faisant exécuter, malgré les rigueurs de l'hiver, les travaux d'installation de Médéa de manière à en faire un poste sain, agréable, et bien pourvu de produits agricoles.

L'arrivée de Bugeaud en février 1841 fut bientôt suivie d'opérations auxquelles Cavaignac prit une part brillante, en avril dans la province d'Alger, en mai dans celle d'Oran. Promu colonel en août, il remplaça à la tête des zouaves La Moricière, nommé lui-même maréchal-de­camp, et les commanda aux dures expéditions de 1842 et au début de 1843, recevant souvent la mission difficile de former l'arrière-garde.

Pour tenir le pays, au moyen du réseau de grands postes qu'il avait imaginé, Bugeaud décida au mois d'avril 1843 d'aller occuper Ténès sur la mer et de fonder un camp permanent entre Miliana et Mostaganem, dans la vallée du Chélif, en un point appelé El Asnam. dl espérait de cette façon tenir une région qui avait jusque là échappé à son autorité. Cavaignac reçut la mission, tout en surveillant le pays, de faire sortir de terre, à El Asnam, le poste qui reçut ensuite, le nom d'Orléansville. Il réalisa cette oeuvre d'une manière aussi rapide que complète, construisant
      

un pont sur le Chélif, une route allant à Ténès, une autre route se dirigeant d'une part sur Miliana, d'autre part sur Mostaganem, des casernes, des magasins, des fortifications, des maisons. Les colons vinrent s'établir dans le nouveau centre, les Indigènes approvisionnèrent son marché.

Sa subdivision d'Orléansville comprit deux cercles; celui d'Orléansville où s'établirent 500 Européens, et celui de Ténès, où 1.000 s'établirent. Cavaignac qui, avec les 2.500 hommes sous ses ordres, avait à réaliser nombre de travaux, parvint en outre à aider considérablement ces colons pour leur établissement; il fit, dans les deux postes, défricher des terrains, créer des pépinières, bâtir des maisons et des fermes, canaliser les ruisseaux, si bien qu'il transforma rapidement les camps en petite ville. Il organisa l'administration des Indigènes avec des fonctionnaires musulmans investis par ses soins; il détermina avec soin les impôts à exiger; il fit distribuer des vivres et des semences aux tribus qu'il avait été obligé de razzier pour les soumettre, il montra une fermeté constante, mais une justice impartiale. Il obtint par cette sage administration, une sécurité presque complète de la région et réalisa une collaboration fructueuse entre les éléments européens et indi­gènes; les impôts rentrèrent au delà des espoirs permis et la production agricole s'accrut dans des proportions importantes.

Le grade de maréchal de camp qui vint récompenser en septembre 1844 les mérites de Cavaignac l'amena en octobre au commandement de la subdivision de Tlemcen. Le général Bedeau avait rétabli la paix et la prospérité dans cette ville rendue jadis à Abd el Kader par le traité de la Tafna. Mais l'Émir, réfugié au Maroc, intriguait toujours, quoique mis hors la loi par le traité avec le Maroc.

Cavaignac entreprit, pendant l'été de 1845, de pacifier le pourtour de sa subdivision, en frappant les tribus insoumises du Sud, dans la région des Chotts, et en surveillant la frontière du Maroc par où on pouvait craindre des incursions d'Abd el Kader.

Comme en septembre une certaine agitation se manifestait dans les montagnes des Trara, il s'y porta avec une colonne et attaqua les révoltés; il constata chez eux un acharnement extrême, les battit, et n'obtint cependant aucune soumission. Étonné de cette anomalie, il en connut bientôt la raison : Abd el Kader avait franchi la frontière

 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes