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   contre les Indigènes algériens encore incomplètement soumis.

Le projet d'organisation qu'il adressa dès le 20 janvier 1852 au ministre de la Guerre, le général de Saint-Arnaud, vieil Africain lui aussi, est celui qui a le plus contribué au développement des corps spéciaux de l'armée d'Afrique. Randon demandait pour chaque province: un régiment de zouaves; deux bataillons de tirailleurs algériens; un régiment de légion étrangère; un bataillon de chasseurs à pied; deux régiments d'infanterie de ligne; un escadron du train des équipages. Ce qu'il voulait, c'était disposer de « régiments acclimatés », car il avait constaté par expérience que l'effectif constamment disponible y était très supérieur à celui existant dans les régiments venant de France.

Les raisons qu'il invoquait pour former de nouveaux bataillons de tirailleurs indigènes étaient des raisons politiques tout autant que des raisons militaires; elles montrent que Randon savait concevoir la grandeur de son rôle :
« La création d'un nouveau bataillon de tirailleurs indigènes par province, a-t-il écrit dans ses Mémoires, devait avoir aussi les meilleurs résultats au point de vue politique. En passant sous nos drapeaux, les indigènes s'initient à nos mœurs, à nos usages, à notre langue, se façonnent à notre discipline et s'habituent à la soumission. Utiles à notre cause sur le champ de bataille, ils la servent encore au milieu de leurs tribus, au sein de leur familles, en racontant sous la tente tous les soins que nous prenons d'eux et les bons traitements qu'ils reçoivent de nos officiers. »

Cet exposé a conservé toute sa valeur; car le régiment indigène, à condition de n'être pas stationné en France comme il l'a malheureusement été depuis, est la meilleure école où l'Indigène puisse apprendre le respect et l'amour de la France, pratiquer la langue, acquérir des notions de discipline et de justice et s'initier peu à peu à des principes et à des mœurs dont lé contact prématuré lui est toujours funeste.

Randon, guidé par son expérience, proposa, en ce qui concerne la cavalerie, de grouper davantage chacun des trois régiments de chasseurs d'Afrique, de manière à y faciliter le maintien de la discipline et la marche de l'instruction.

Pour les spahis, il voulut réaliser un groupement adapté
      

à la vie indigène, la smala. En accordant aux spahis la faculté d'habiter sous des tentes du pays, avec leurs femmes et leurs enfants, il espérait avec raison pouvoir les recruter parmi les meilleures familles de la région, et avoir ainsi d'habiles cavaliers, « hommes de poudre » par atavisme. Les smalas, réparties sur la lisière du Tell et aux frontières, pourraient fournir à tout moment des effectifs aux commandants de cercles; cultivant pour leurs besoins des terres qui leur seraient attribuées, elles constitueraient de véritables colonies agricoles.

« L'établissement des smalas, écrivait Randon dans ses Mémoires, considéré à d'autres points de vue, promettait encore certains avantages. Répandus par fractions dans le pays arabe, les spahis verraient leur influence acquérir, à notre profit, son plus grand développement. Cultivant sous nos yeux, et pour ainsi dire sous notre direction, ils introduiraient nécessairement dans l'agriculture les diverses améliorations que nous pourrions leur suggérer, et ces améliorations se répandraient d'autant plus facilement parmi les populations indigènes que les points de contact entre elles et les smalas seraient plus multipliés. Ils contri­bueraient enfin à l'amélioration de la race chevaline et à la propagation de l'espèce, question intéressante pour le pays, urgente pour la cavalerie d'Afrique. »
Randon voulait aussi que l'Algérie pût se suffire à elle-même dans le cas où les communications avec la mère­patrie seraient coupées. C'est dans ce but qu'il fit rem­placer les pièces de l'armement des côtes, et chercha à développer lés mines de manière à favoriser la création de centres industriels.

Les frontières avec les états voisins de l'Algérie, Tunisie, et Maroc, dépendaient des migrations des tribus et de leur bon vouloir, et restaient pratiquement incertaines, malgré les travaux de délimitation effectués: « Seuls nous respections les frontières, a écrit Randon, parce que seuls nous tenions à faire régner l'ordre et la paix chez les tribus qui nous étaient soumises; les brigandages exercés par les tribus ennemies restaient ainsi impunis; la chancellerie était impuissante, quand elle essayait d'intervenir auprès des gouvernements limitrophes, et cette intervention n'avait servi jusqu'alors qu'à prouver le mauvais vouloir ou. l'inaptitude de ces gouvernements à faire droit à nos demandes, alors même qu'ils en reconnaissaient la justice ». Aussi avait-il prescrit aux commandants de province, comme ministre de la Guerre, de se montrer

 
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