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maréchal Randon est peut-être celui dont l'œuvre apporte le démenti
le plus éclatant à cette erreur; il a écrit lui-même « Les
généraux chargés d'administrer l'Algérie n'y ont pas fait la
guerre. Ils n'étaient ni préfets, ni commandants en chef, mais
gouverneurs généraux, c'est-à-dire appelés à diriger tous les
grands intérêts de la colonie, de quelque nature qu'ils fussent.
Si l'usage s'était établi de donner ces fonctions à un homme
d'épée, c'est que la réalité des choses, plus forte que le
raisonnement, rendait cet usage obligatoire. »
La lenteur relative avec laquelle la colonisation se développa en
Algérie sous le régime militaire, n'est pas imputable à ce
régime, car les généraux et leurs subordonnés essayèrent et
encouragèrent tous les systèmes, la colonie militaire de Bugeaud
aussi bien que le phalanstère. Elle est due au fait que les
Français émigraient peu et que les premiers arrivés se
trouvèrent en face d'une population nombreuse et hostile, et d'une
terre souvent difficile à défricher. Ce fut grâce à la
sécurité établie peu à peu par l'armée d'Afrique et aux travaux
de toute sorte exécutés par elle que l'établissement des colons
devint possible.
La conquête militaire de l'Algérie était terminée en 1857. Sans
doute il fallut encore user de la force par la suite; mais ce fut
contre des « insurrections », parfois importantes, comme celle de
1864 et celle de 1871, ou contre les tribus nomades du Sahara.
Les troupes d'Algérie furent surtout, à partir de ce moment,
employées dans les expéditions en Europe ou hors d'Europe, puis
dans la pacification relativement aisée de la Tunisie et celle
beaucoup plus difficile du Maroc. L'ère « héroïque » de
l'Algérie était close, pour faire place à celle de la
colonisation pacifique. |
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CHAPITRE VIII
GRANDS ET PETITS SOLDATS
Les grands soldats de l'armée d'Afrique ont réalisé en Algérie non pas la
conquête brutale du sol par les armes, mais la conquête progressive des
populations indigènes, grâce à leur justice, à leur bienveillance et à
leur générosité. Ils ont dû souvent employer la force, mais après avoir
usé de tous les moyens de conciliation. Leur oeuvre a été constructive;
elle a établi la paix, la prospérité et le bonheur, dans un pays désolé
par les luttes intestines, l'insécurité et la misère, tandis que l'œuvre
des armées, dans les pays les plus civilisés, est malheureusement
destructive, et laisse derrière elle la souffrance pour de longues années.
Il serait d'ailleurs injuste de limiter à quelques figures éminentes la
liste des noms dignes d'être conservés par l'histoire. Les soldats
remarquables de l'armée d'Afrique formeraient une longue galerie, si on
voulait les dépeindre tous, car de nombreux personnages ont joué un rôle
resté peu apparent, et d'autres étaient, à l'époque de la conquête,
encore trop jeunes pour exercer un commandement important.
Dans cette glorieuse phalange peuvent être placés les commandants en chef
comme Berthezéne, qui avait remarquablement commandé sa division à
l'expédition d'Alger, le duc de Rovigo, Voirol, Drouët d'Erlon, Damrémont
tué la veille de l'assaut de Constantine, le maréchal Valée; des
conducteurs d'hommes comme Oudinot, Baraguey d'Hilliers, de Bourjolly, Létang,
Thiery, Duvivier, d'Armandy, Marey, de Barral, Négrier, Combe, Morris, d'Hautpoul,
Charon, Renaud, Korte, Comman, Géry, Gentil, Tempoure, Tartas, Charras,
Martimprey, Montauban, d'Allonville, Margueritte, du Barail, Trochu ; des
officiers connaissant bien les Indigènes comme Daumas,
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