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Walsin-Esterhazy, Pellissier de Reynaud, Bazaine, Beauprêtre,
Vergé du Taillis; de futurs grands chefs comme Saint-Arnaud,
Pélissier, Forey, Bosquet, Mac-Mahon, Canrobert, Chanzy. Chacun
d'eux mériterait un portrait qui ferait ressortir aussi bien ses
hauts faits militaires que ses efforts organisateurs. Combien
d'autres sont tombés, comme le lieutenant-colonel de Montagnac à
Sidi-Brahim, sans avoir pu donner la mesure de leur valeur...
Les maréchaux Clauzel, Bugeaud et Randon symbolisent bien les trois
grandes étapes de la conquête de l'Algérie : tâtonnements et
essais; luttes ardentes et décisives; pacification complète et
organisation définitive.
On a voulu souvent attribuer, tout le mérite de la conquête à
Bugeaud ; il faut rendre hommage à ses prédécesseurs et à ses
successeurs.
Clauzel a eu de grandes idées; dans son premier gouvernement, il a
envisagé une sorte de protectorat français par l'intermédiaire de
la maison de Tunis, qui eût modifié complètement l'histoire de.
l'Afrique du Nord; dans le second, il a projeté l'occupation
méthodique de l'Algérie et il aurait pu la réaliser s'il avait
obtenu du Gouvernement des moyens suffisants; il a conçu d'une
manière très large le développement agricole et commercial du
pays. Il a été combattu à Paris par des ennemis acharnés,
pendant qu'il se dévouait à sa tâche.
Si Bugeaud, qui n'a pas eu moins d'ennemis, a réussi, c'est parce
qu'il a eu la confiance et l'appui de Louis-Philippe, et parce qu'il
a disposé de moyens proportionnés à ses entreprises.
Randon a achevé l'œuvre de Bugeaud ; il a entrepris celle qui a
été réalisée après lui par les gouverneurs successifs et qui se
continue au XXème siècle.
Les fils de Louis-Philippe ont été en quelque sorte les animateurs
de l'armée d'Afrique. Envoyés à tour de rôle en Algérie par
leur père afin d'y prendre part aux expéditions, ils y étaient le
vivant' témoignage de l'intérêt personnel que le Roi prenait aux
opérations. Les gouverneurs et les généraux ne manquaient pas de
souligner leur présence, dans les ordres adressés aux troupes. Les
visites que fit le duc d'Orléans aux hôpitaux et les
améliorations qu'il exigea, montrèrent aux soldats que l'héritier
de la couronne ne négligeait pas de s'occuper de leur sort.
LouisPhilippe disait dès le mois de décembre 1841 dans son |
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discours du Trône, en des termes qui laissaient transpercer quelque fierté
personnelle: «Nos braves soldats poursuivent, sur cette terre désormais et
pour toujours française, le cours de ces nobles travaux auxquels je suis
heureux que mes fils aient eu l'honneur de s'associer ». L'incroyable succès
que le duc d'Aumale remporta à la prise de la Smala, en 1843, ne contribua
pas peu à accroître la popularité de ces jeunes princes, doués d'un
ensemble rare de belles qualités.
Les Indigènes ont été des conseillers utiles, trop peu employés, et des
exécutants splendides. En voyant ce qu'ont fait Mustapha ben Ismaël et Yusuf,
on se rend compte des , services qu'auraient pu rendre tant de chefs musulmans
qui se sont offerts aux représentants de la France et ne se sont tournés
contre eux que par suite de leurs hésitations, de leur faiblesse, et parfois
même de leurs abandons.
Les principaux lieutenants de Bugeaud, La Moricière, Changarnier, Cavaignac
et Bedeau, ont créé, sous la haute direction de l'illustre gouverneur, un
système de guerre spécial, approprié à la nature du pays et à l'ennemi
qu'ils combattaient.
Les principes de ce système échappaient aux chefs qui n'avaient pas l'esprit
assez souple pour concevoir autre chose que la tactique employée contre les
armées européennes, et qui prétendaient combattre en Afrique comme à
Wagram : « Ces fameuses reliques de l'Empire, écrivait Montagnac en 1842,
arrivent ici avec des idées préconçues, des systèmes qu'ils se sont
forgés dans leurs cabinets, avec quelques farceurs d'officiers
d'état-major... Il est facile de concevoir que ces anciens héros,
tourmentés par leur jalousie, ne consentiront jamais à suivre la voie
tracée par les La Moricière, les Changarnier, les Bedeau, etc. (1) ». Ces
principes sont cependant restés vrais, et leur oubli périodique a amené à
plusieurs reprises, dans l'histoire de l'Afrique du Nord, des insuccès qui
auraient pu être évités.
Pour punir de leurs agressions des tribus qui disparaissaient devant eux,
Bugeaud et ses lieutenants ont dû parfois recourir à des procédés
employés par les Turcs et repris par Abd el Kader ; ils ont été amenés à
détruire des récoltes, à incendier des villages, à prendre comme otages
des vieillards, des femmes et des enfants. Ces moyens n'ont
(1) Montagnac, Lettres d'un soldat, Paris, Plon, 1885, p- 275.
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