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à la Sikkak Abd el Kader, lé mettant pour quelque temps hors de
cause.
Le maréchal Clauzel avait l'intention d'occuper toutes les villes
importantes du Tell et de les relier à la mer, puis de créer dans
chaque province un camp central, d'où les colonnes mobiles
rayonneraient pour pacifier le pays. Il estimait le moment venu de
prendre Constantine Le Gouvernement envisageant plutôt des
réductions d'effectifs que des augmentations. Clauzel décida
néanmoins, avec sa confiance habituelle, de tenter l'opération.
Poussé par le commandant Yusuf, qui, nommé par lui bey de
Constantine, avait hâte de prendre ses fonctions, il entreprit
l'expédition sans préparation suffisante, avec des moyens trop
faibles et surtout à une époque trop tardive. La colonne, forte de
8.000 hommes environ, fit route sous une pluie incessante, arriva le
20 novembre devant Constantine, y établit ses bivouacs dans la
boue, sans feu, et échoua dans ses assauts, faute d'une
préparation d'artillerie suffisante. A bout de munitions, elle dut
se replier sur Bône dans des conditions lamentables, poursuivie par
les Indigènes que le commandant Changarnier contenait
héroïquement avec son bataillon à l'arrière-garde. Elle rentra
le 1er décembre à Bône, où plusieurs milliers
d'hommes tombèrent malades des fatigues subies, beaucoup pour ne
plus se relever.
Cet échec, dû surtout à l'imprévoyance, fit en France un
déplorable effet, et amena le remplacement de Clauzel par le
lieutenant-général de Damrémont, le 12 février 1837.
Si le maréchal Clauzel n'a pas obtenu, en Algérie, la réussite
qu'il méritait, c'est beaucoup en raison des hésitations et des
craintes du Gouvernement. Il a exprimé presque toutes les grandes
idées qui ont triomphé par la suite, formulé presque tous les
projets qui ont été réalisés; mais il n'a pas eu les moyens de
mener à bien ce qu'il ' avait conçu.
La création des zouaves, première ébauche de notre armée
indigène nord-africaine, lui parut un moyen de pouvoir rendre à la
France des effectifs métropolitains, mais aussi un moyen d'arriver
à un résultat d'ordre plus général, le rapprochement des
Français et des Indigènes. La colonisation le préoccupa dès son
arrivée. Il voulait commencer par la Mitidja, qu'il considérait
comme " un point central, à proximité du Gouvernement, des
magasins et du port, où tout peut être reçu, chargé, vendu ou
expédié ".
Il pensait surtout aux moyens d'établir des Européens |
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dans le pays : " Cela dépend entièrement du
Gouvernement, écrivait-il. S'il prend de bonnes dispositions, il
inspirera confiance, et l'on verra lés hommes et les capitaux qui
se portent annuellement en Amérique, aller chercher à Alger des
établissements moins éloignés de l'Europe, sur ce sol fertile et
bien protégé. S'il adopte des mesures équivoques, empreintes d'indécision
ou de timidité, l'émigration européenne continuera son mouvement
vers le Nouveau-monde, et la France dépensera beaucoup d'argent
sans autre résultat que la vaine gloire d'avoir une province
d'Afrique ".
Il avait formulé, bien avant son gouvernement de 1835. un projet de
colonisation militaire : " Nos armées, écrivait-il en 1833,
comptent beaucoup plus de prolétaires que de propriétaires; et il
est permis de croire que, sur 3.000 hommes qui reviennent d'Afrique
chaque année, les soldats prolétaires préféreraient pour la
plupart rester avec la perspective d'acquérir une petite
propriété, que de retourner en France pour n'y rien posséder. On
verrait ainsi la colonie s'augmenter, tous les ans, d'un certain
nombre de colons militaires, auxquels on n'aurait à donner que de
la terre (environ 6 arpents par homme), quelques instruments pour la
travailler, et six mois de vivres. Le Trésor serait bientôt
couvert de cette faible dépense par l'élévation du produit des
droits de tout genre qui résulterait de l'augmentation du nombre
des colons ".
Il définissait les divers moyens de fournir de la terre aux colons,
soit en leur accordant " une concession gratuite ", comme
il l'avait vu faire en Amérique, soit en achetant des propriétés
aux Indigènes : " Ainsi la difficulté de coloniser,
concluait-il, ne vient pas de la difficulté de se procurer des
colons, dés capitaux; elle vient tout entière du silence que le
Gouvernement s'obstine à garder sur ce grave sujet, et du peu de
cas qu'il a paru faire de la colonie. Elle renferme cependant un
immense avenir pour la France, sous le triple rapport de l'utilité
sociale, de la puissance politique et de la richesse commerciale.
"
On s'aperçoit, en lisant ces lignes, combien est grande l'injustice
qui n'a retenu, du commandement de Clauzel en Algérie, que l'échec
dé Constantine. Il est vrai que, dès cette époque, la terre
d'Afrique a fait naître, contre ceux qui y servaient la France, des
inimitiés, et même des haines que leur éloignement ne pouvait pas
toujours leur permettre de combattre. Clauzel a été le premier des
grands soldats qui ont été desservis et calomniés à Paris,
tandis
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