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   qu'ils s'employaient tout entiers à leur patriotique besogne. Avec un gouvernement lui faisant confiance et lui accordant les moyens suffisants, quels résultats n'eût-il pas obtenus ?
S'il avait voulu occuper Constantine, après avoir occupé Tlemcen, c'est parce qu'il comprenait l'importance primordiale de ces d'eux bastions : " Tlemcen, écrivait-il, est la porte par laquelle le Maroc vous enverra tous les ambitieux qui voudront troubler votre possession; Constantine est celle par où passeront toutes les tentatives de Tunis suscitées par nos rivaux. Si vous n'occupez pas ces deux Gibraltar de la Régence d'Alger, vous n'en serez jamais les maîtres. " En ce qui concerne l'expédition de Constantine, il s'élevait contre l'accusation d'avoir " perdu son armée " ; car, disait-il, une perte de 454 hommes sur 7.000, c'est-à-dire un peu moins d'un quinzième, " à travers les pluies, les gelées et parmi des nuées d'Arabes ", c'était une proportion inférieure à celle de bien des escarmouches
Ses campagnes à travers l'Europe, son émigration en Amérique, avaient élargi ses vues au delà de celles de la plupart de ses contemporains, de ceux surtout qui préconisaient l'abandon de l'Algérie, et auxquels il s'adressait en ces termes : " Posséder en face de notre littoral européen un littoral africain non moins étendu; être postés sur les deux flancs de cette mer, de manière à la contenir dans notre obéissance; pouvoir protéger notre commerce du nord et du midi de cette vaste route où voyagent tant de richesses; avoir, en cas de guerre, des ports et des arsenaux qui se regardent et se secourent; être les maîtres de porter le combat à droite ou à gauche; avoir, en cas de revers, des asiles devant et derrière; c'était une position qui me semblait si belle, si forte, si supérieure, que prévoir qu'on voudrait l'abandonner m'eût semblé une injure au bon sens le plus grossier. "
Il fut, à son retour en France, en butte à d'odieuses attaques, malgré ses 44 ans de glorieux services. Dans la brochure qu'il publia pour se défendre, il s'exprimait en ces termes : " Comprendre qu'une vie irréprochable ne me valait pas mieux qu'une vie de trahison, qu'une pauvreté patente me comptait moins que ne l'eût fait une fortune volée,... a été pour moi une épouvantable désolation... On a laissé une carrière de victoires trébucher sur un revers sans vouloir lui laisser prendre un dernier laurier; on a pensé sans doute que j'étais assez tombé pour m'empêcher de me relever. Non, non, je me relève, moi. je me relève pour rentrer la tête haute dans mes foyers
      

je me relève ! et sur le seuil de cette maison paternelle où je retourne, je poserai entre moi et la calomnie ma vieille épée de combat. Regardez-la bien; elle n'a ni or ni diamants à sa monture; elle n'a que du sang sur la lame : c'est le sang dés ennemis de la France. "
La malechance de Clauzel a été de venir trop tôt, de former des plans que les hommes au pouvoir ne pouvaient pas encore comprendre, pour l'exécution desquels ils ne lui fournirent pas d'aide efficace, et qui lui suscitèrent nombre d'ennemis et de détracteurs. II voulait établir du premier coup l'autorité française sur l'Algérie, en occupant les principaux centres, et en favorisant par tous les moyens la colonisation; il avait entrevu la merveilleuse destinée réservée à ce pays, et voulait en hâter la réalisation. Guizot donnait la vraie raison de sa disgrâce à la séance de la Chambre du 22 avril 1837 : " Le maréchal Clauzel, disait-il, a été rappelé non parce qu'il a été malheureux, mais parce qu'il était en Afrique le représentant du système d'occupation universelle et guerroyante; occupation militairement organisée sur tous les points importants de la Régence. "
L'histoire rendra du moins justice à la hauteur de vues et à la clairvoyance d'un des plus grands soldats de l'Algérie.

 
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