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     pays. Ne vous ai-je pas vu le plus discipliné, le plus ponctuel de mes lieutenants. "
Les conseils que le vieux maréchal lui donnait ensuite n'étaient d'ailleurs pas ceux d'une aveugle discipline, puisqu'il lui écrivait : " Il est des circonstances tellement impérieuses que, dans l'intérêt du pays, il faut savoir dépasser les ordres du ministre de la Guerre. Vous auriez comme moi livré la bataille d'Isly sur le territoire marocain, malgré l'ordre de ne pas dépasser la frontière qu'apporta la veille le colonel Foy. Vous auriez ainsi continué la campagne de la grande Kabylie si, ayant lancé le général Bedeau dans les montagnes et ne pouvant plus l'arrêter, vous aviez reçu à une journée de Hamza l'ordre de suspendre l'opération précédemment approuvée. " Le duc d'Aumale n'eut pas à suivre ces conseils, qui sont cependant d'une haute portée coloniale, vérifiée depuis à maintes reprises... 
Accueilli avec joie par la population civile à son débarquement, le 5 octobre, le duc d'Aumale s'imposa d'autre part aux Indigènes par le prestige si important pour eux de sa naissance. La proclamation qu'il leur adressa témoignait d'une profonde connaissance de leurs sentiments politiques et religieux :

" Vous avez compris, ô Musulmans, leur disait-il, combien le bras de la France était puissant et redoutable, et combien son gouvernement était juste et clément. Vous avez obéi à l'immuable volonté de Dieu, qui donne les empires à qui bon lui semble sur la terre. Vous avez fait votre soumission au Maréchal et vous avez éprouvé la bonté de son gouvernement. Vous vous souviendrez toujours qu'il honora les grands, qu'il protégea les faibles et qu'il fut équitable avec tous. Rien ne sera changé à ce qu'il avait fait...
" Remerciez Dieu de ce qu'il vous a donné les richesses et les jouissances de la paix en échange des maux inséparables de la guerre. C'est pour vous donner un gage encore plus éclatant de ses bonnes intentions à votre égard, que le roi des Français m'a envoyé au milieu de vous comme son représentant sur cette terre qu'il aime à l'égal de la France. J'ai déjà vécu parmi vous, je connais vos lois et vos usages, et tous mes actes tendront à augmenter votre prospérité et celle du pays... "

Une grande satisfaction était réservée au nouveau gouverneur, celle de recevoir la soumission de l'émir Abd el Kader.
     

L'adversaire qui depuis quinze ans combattait les Français se rendit le 23 décembre au général de La Moricière, et fut amené à Nemours dans la soirée. Le duc d'Aumale, arrivé le matin même, confirma à l'Émir là promesse donnée par La Moricière de son transport à Alexandrie ou à Saint-Jean d'Acre; puis il reçut le lendemain sa soumission solennelle, marquée par la remise de son cheval. Ce fut un événement d'une immense portée.
Avec sa modestie habituelle, le duc d'Aumale écrivit au maréchal Bugeaud : " Lorsque ce grand fait s'est accompli, votre nom a été dans tous les cœurs ; chacun s'est rappelé avec reconnaissance que c'est vous qui avez mis fin à cette lutte; que c'est l'excellente direction que vous avez donnée à la guerre et à toutes les affaires de l'Algérie qui a amené la ruine matérielle et morale d'Abd el Kader. " Bugeaud fut très touché par cette lettre et lui répondit le 15 janvier 1848 : " Comme tous les hommes capables de faire de grandes choses, vous ne voulez que votre juste part de gloire, et, au besoin, vous en céderiez un peu aux autres. "
Dans l'organisation qu'il entreprit comme gouverneur général, le duc d'Aumale a semé bien des idées qui ont germé après lui.
Il décentralisa l'administration, qui dépendait jusqu'alors entièrement du ministre de la Guerre; à cet effet, il établit dans chacune des trois provinces des directeurs des affaires civiles, ayant des attributions comparables à celles des préfets dé France, avec le droit de traiter certaines questions; les principales questions seules furent dès lors envoyées au gouverneur général à Alger ou au ministre de la Guerre à Paris. Cette importante réforme permit de faire aboutir rapidement nombre d'affaires depuis longtemps en suspens.
Le duc d'Aumale fit aussi décider par le Gouvernement que les maires, adjoints et conseils municipaux d'Algérie auraient les mêmes attributions qu'en France, mais avec la restriction que la nomination des conseillers municipaux serait faite par le Roi ou par le Gouverneur général.
Il s'occupa beaucoup de la colonisation, en sauvegardant toujours les droits des Indigènes; il chercha à dédommager d'une manière équitable ceux qui avaient été expropriés; il détermina dans quelles conditions de nouveaux terrains pourraient être livrés aux colons, en cantonnant les Indigènes dans des zones convenablement choisies.
Il chercha à développer l'instruction et proposa dans ce

 
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