Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 4 LES GRANDS SOLDATS DE L'ALGÉRIE Pages suivantes
- 42 - Table des matières - 43 -
   
   colonne avec La Moricière vers Tiaret, lorsque, le 19 mai, il apprit par un nègre fugitif la prise de la Smala par le duc d'Aumale, et la présence à quelques dizaines de kilomètres d'une nombreuse émigration qui fuyait le désastre. Il monta à cheval avec son goum et la cavalerie régulière, atteignit les fuyards, et s'empara de nombreux prisonniers, de troupeaux, de chameaux et de bagages.
Voulant revenir à Oran avec ses prises, le général Mustapha se sépara de La Moricière pour traverser seul avec ses cavaliers le territoire des Flitta. Attaqué par une cinquantaine de piétons, dans un défilé boisé où ses chevaux et mulets surchargés de butin encombraient le passage, il s'élança pour rétablir l'ordre; mais il fut frappé d'une balle qui l'étendit mort, ce que voyant, ses cavaliers atterrés se débandèrent. Ses agresseurs apprirent, par la mutilation que lui avait faite à la main droite la balle reçue à la Sikkak, qu'ils avaient tué Mustapha ben Ismaël. Sa tête et sa main furent portées à Abd El Kader, qui, voulant affecter quelque générosité vis-à-vis de son ennemi disparu, fit ensevelir ces sinistres trophées au lieu de les exposer, suivant la coutume d'alors.
Mustapha ben Ismaël tombait, à près de 80 ans, laissant une impression profonde à tous ceux, Français et Indigènes, qui l'avaient connu. Cet homme d'épée, ce soldat magnifique au combat, avait su se faire apprécier aussi par son esprit d'équité, au point d'avoir mérité, sous le règne des Turcs, le surnom de Mustapha-el-Haq (Mustapha la justice).
C'était un homme d'une absolue loyauté, sur qui le général Walsin-Esteihazy écrivait : " Il avait donné sa parole à la France, et jamais, dans les circonstances qu'il eut à traverser avec nous, malgré les dégoûts dont il fut parfois abreuvé, son expérience des hommes et des choses du pays, son dévouement dans les combats, sa coopération dans les conseils, ne nous firent défaut toutes les fois qu'on voulut bien les invoquer. Les hommes de la trempe et du caractère de Mustapha ben Ismaël sont trop rares, et de semblables types, même dans les grandes luttes de notre histoire, sont trop peu communs, pour qu'il ne convienne pas de chercher à appeler l'attention sur cette grande figure de nos petits démêlés africains. " Il fut regretté par toute l'armée française.
Sa mort impressionna profondément les Indigènes. Ses cavaliers n'osèrent pas, pendant plusieurs semaines, reparaître dans leurs douars, craignant la réprobation de leurs femmes pour leur conduite dans la funeste journée.
      

Une poésie, qui reflétait bien les sentiments indigènes, fut chantée dans toute la province d'Oran; elle célébrait les vertus du héros disparu :
" Lorsqu'il s'élançait à la tête des goums, sur un coursier impétueux, l'animant des rênes et de la voix, les guerriers le suivaient en foule. Pleurons le plus intrépide des hommes, celui que nous avons vu si beau sous le harnais de guerre, faisant piaffer les coursiers chamarrés d'or. Pleurons celui qui fut la gloire des cavaliers...
" Souvenez-vous du jour où il fut appelé à Fez par ordre du chérif : comme il brilla parmi les grands de la cour, plus grand par ses belles actions que tous ceux qui l'entouraient. On reconnut en lui le sang de ses nobles ancêtres, et, pour le lui témoigner, le chérif le combla d'honneurs...
" Qu'il était beau dans l'ivresse du triomphe, lorsque, sur le noir coursier du Soudan, à la selle étincelante de dorures, il apparaissait comme le génie de la guerre sur le dragon des combats!... Dieu est témoin que Mustapha ben Ismaël fut fidèle à sa parole jusqu'à la mort, et qu'il ne cessa jamais d'être le modèle des cavaliers. "

Le général Mustapha est le type indigène de " l'homme de poudre " le plus noble et le plus chevaleresque qu'on puisse citer, et, comme le dit le poète qui célébrait sa gloire, il fut " fidèle jusqu'à la mort à sa parole ", qu'il avait donnée à la France.

Le général Yusuf

Le général Yusuf a eu une existence extraordinaire, qui n'aurait pas besoin, pour intéresser le lecteur aimant les vies romanesques, d'être déformée par des aventures issues de l'imagination de l'auteur ou par des dialogues créés par sa fantaisie.
Né en 1808 à l'île d'Elbe, qui était française depuis 1802, il fut pris en 1815 par un corsaire tunisien, sur un bateau qui l'emmenait à Livourne pour y faire ses études. Ses qualités physiques et intellectuelles le firent choisir pour entrer dans la garde du Bey, et il reçut à cet effet les leçons spéciales comportant la pratique du cheval et des armes ainsi que l'étude du Coran. Il eut alors l'occasion d'être le compagnon de jeux d'une fille du bey, la princesse Kaboura. sut plaire à l'enfant, si bien que plus tard, quand elle eût grandi et qu'il lût devenu mameluk, une intrigue se noua entre eux, Comme, au début de 1830, il manifestait son enthousiasme

 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes