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colonne avec La Moricière vers Tiaret, lorsque, le 19 mai, il
apprit par un nègre fugitif la prise de la Smala par le duc
d'Aumale, et la présence à quelques dizaines de kilomètres d'une
nombreuse émigration qui fuyait le désastre. Il monta à cheval
avec son goum et la cavalerie régulière, atteignit les fuyards, et
s'empara de nombreux prisonniers, de troupeaux, de chameaux et de
bagages.
Voulant revenir à Oran avec ses prises, le général Mustapha se
sépara de La Moricière pour traverser seul avec ses cavaliers le
territoire des Flitta. Attaqué par une cinquantaine de piétons,
dans un défilé boisé où ses chevaux et mulets surchargés de
butin encombraient le passage, il s'élança pour rétablir l'ordre;
mais il fut frappé d'une balle qui l'étendit mort, ce que voyant,
ses cavaliers atterrés se débandèrent. Ses agresseurs apprirent,
par la mutilation que lui avait faite à la main droite la balle
reçue à la Sikkak, qu'ils avaient tué Mustapha ben Ismaël. Sa
tête et sa main furent portées à Abd El Kader, qui, voulant
affecter quelque générosité vis-à-vis de son ennemi disparu, fit
ensevelir ces sinistres trophées au lieu de les exposer, suivant la
coutume d'alors.
Mustapha ben Ismaël tombait, à près de 80 ans, laissant une
impression profonde à tous ceux, Français et Indigènes, qui
l'avaient connu. Cet homme d'épée, ce soldat magnifique au combat,
avait su se faire apprécier aussi par son esprit d'équité, au
point d'avoir mérité, sous le règne des Turcs, le surnom de
Mustapha-el-Haq (Mustapha la justice).
C'était un homme d'une absolue loyauté, sur qui le général
Walsin-Esteihazy écrivait : " Il avait donné sa parole à la
France, et jamais, dans les circonstances qu'il eut à traverser
avec nous, malgré les dégoûts dont il fut parfois abreuvé, son
expérience des hommes et des choses du pays, son dévouement dans
les combats, sa coopération dans les conseils, ne nous firent
défaut toutes les fois qu'on voulut bien les invoquer. Les hommes
de la trempe et du caractère de Mustapha ben Ismaël sont trop
rares, et de semblables types, même dans les grandes luttes de
notre histoire, sont trop peu communs, pour qu'il ne convienne pas
de chercher à appeler l'attention sur cette grande figure de nos
petits démêlés africains. " Il fut regretté par toute
l'armée française.
Sa mort impressionna profondément les Indigènes. Ses cavaliers
n'osèrent pas, pendant plusieurs semaines, reparaître dans leurs
douars, craignant la réprobation de leurs femmes pour leur conduite
dans la funeste journée. |
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Une poésie, qui reflétait bien les sentiments indigènes, fut chantée dans
toute la province d'Oran; elle célébrait les vertus du héros disparu :
" Lorsqu'il s'élançait à la tête des goums, sur un coursier
impétueux, l'animant des rênes et de la voix, les guerriers le suivaient en
foule. Pleurons le plus intrépide des hommes, celui que nous avons vu si beau
sous le harnais de guerre, faisant piaffer les coursiers chamarrés d'or.
Pleurons celui qui fut la gloire des cavaliers...
" Souvenez-vous du jour où il fut appelé à Fez par ordre du chérif :
comme il brilla parmi les grands de la cour, plus grand par ses belles actions
que tous ceux qui l'entouraient. On reconnut en lui le sang de ses nobles
ancêtres, et, pour le lui témoigner, le chérif le combla d'honneurs...
" Qu'il était beau dans l'ivresse du triomphe, lorsque, sur le noir
coursier du Soudan, à la selle étincelante de dorures, il apparaissait comme
le génie de la guerre sur le dragon des combats!... Dieu est témoin que
Mustapha ben Ismaël fut fidèle à sa parole jusqu'à la mort, et qu'il ne
cessa jamais d'être le modèle des cavaliers. "
Le général Mustapha est le type indigène de " l'homme de poudre "
le plus noble et le plus chevaleresque qu'on puisse citer, et, comme le dit le
poète qui célébrait sa gloire, il fut " fidèle jusqu'à la mort à sa
parole ", qu'il avait donnée à la France.
Le général Yusuf
Le général Yusuf a eu une existence extraordinaire, qui n'aurait pas besoin,
pour intéresser le lecteur aimant les vies romanesques, d'être déformée
par des aventures issues de l'imagination de l'auteur ou par des dialogues
créés par sa fantaisie.
Né en 1808 à l'île d'Elbe, qui était française depuis 1802, il fut pris
en 1815 par un corsaire tunisien, sur un bateau qui l'emmenait à Livourne
pour y faire ses études. Ses qualités physiques et intellectuelles le firent
choisir pour entrer dans la garde du Bey, et il reçut à cet effet les
leçons spéciales comportant la pratique du cheval et des armes ainsi que
l'étude du Coran. Il eut alors l'occasion d'être le compagnon de jeux d'une
fille du bey, la princesse Kaboura. sut plaire à l'enfant, si bien que plus
tard, quand elle eût grandi et qu'il lût devenu mameluk, une intrigue se
noua entre eux, Comme, au début de 1830, il manifestait son enthousiasme
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