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   spahis et les trois escadrons de chasseurs d'Afrique du lieutenant-colonel Morris : " Eh bien! messieurs, en avant! ", conclut le duc d'Aumale.
Bientôt les spahis au burnous rouge partirent au galop. La surprise fut telle que les femmes, les prenant pour des cavaliers réguliers de l'Émir, poussèrent des you-yous afin de célébrer leur retour. Cette joie se transforma en stupeur lorsque les premiers coups de feu éclatèrent; un cri lugubre se propagea ; " Er Roumi, er Roumi! " Yusuf avec ses spahis se précipita sur le douar d'Abd el Kader, tandis que le duc d'Aumale avec l'intrépide Morris abordait la Smala de flanc. La panique saisit la foule indigène et provoqua un sauve-qui-peut . général, si bien que les troupes françaises s'emparèrent de milliers de prisonniers et d'un immense butin, en n'éprouvant que fort peu de pertes.
Yusuf fit dresser pendant la nuit, devant la tente du duc d'Aumale, la tente d'Abd el Kader, et la fit entourer des drapeaux, des armes et des plus beaux trophées enlevés à l'ennemi, pour donner au jeune prince un joyeux réveil. Il fut cité, dans le rapport rédigé par le duc d'Aumale, pour " son brillant courage et son intelligence militaire. "
Le duc d'Aumale étant parti pour la France, Yusuf exécuta avec un plein succès diverses opérations contre les tribus de la province d'Alger. Mais c'est surtout en 1844, lors de la campagne contre le Maroc, qu'il trouva de nouvelles occasions de donner sa mesure.
A la bataille de l'Isly, il commanda le premier échelon de la charge de cavalerie, formé de six escadrons de spahis, et, malgré le feu de onze pièces de canon marocaines, aborda le camp du fils du Sultan, sabra les servants et s'empara des pièces. Entré dans cet immense camp, il fut arrêté un moment par des cavaliers et des fantassins lui opposant une farouche défense individuelle; mais, grâce à l'approche de trois escadrons de chasseurs, il put repartir de l'avant; il poursuivit lés Marocains en retraite jusqu'à plusieurs kilomètres du camp. Les quatre officiers tués dans cette journée étaient quatre officiers de spahis. Yusuf mérita, à cette occasion, sa dix-septième citation!
Un événement romanesque devait encore une fois se produire dans sa vie; étant allé en France accompagné du maréchal des logis Weyer, son secrétaire, il s'éprit de la sueur du jeune sous-officier, la demanda en mariage, renonça à la religion musulmane et l'épousa. Revenu avec sa femme en Algérie, il reçut en juillet 1845 le grade de maréchal de camp à titre indigène et le commandement d'une brigade de vingt escadrons de spahis, en trois régiments.
      

C'est dans la période qui s'ouvre en septembre 1845, par le fameux combat de Sidi Brahim, et qui marque l'effort suprême d'Abd el Kader, que Yusuf allait se surpasser. Chargé par Bugeaud du commandement de colonnes mobiles successives, il poursuivit, avec une inlassable activité, Abd el Kader et les tribus qui avaient pris son parti.
Il eut l'occasion à cette époque de démontrer souvent l'excellence de ses principes de guerre africaine, si différents de ceux de la guerre européenne. En décembre 1845, Abd el Kader fuyait devant lui en deux colonnes, l'une formée de ses cavaliers, l'autre de ses bagages et troupeaux; ce fut non la première, mais la seconde qu'il poursuivit, certain d'obliger ainsi son adversaire à venir défendre son bien. Le combat eut lieu à l'oued Temda : Abd el Kader eut son cheval tué sous lui, s'échappa à grand'peine grâce au dévouement des siens, et laissa entre les mains de Yusuf ses morts, ses blessés et ses bagages.
La cavalerie de Yusuf, rentrée à Alger exténuée par trois mois de dure campagne dans des pays difficiles, repartit à la fin de février 1846, mais pour le Sud, c'est-à-dire pour des régions plus favorables à son action. Le 12 mars, Yusuf découvrit les traces d'Abd el Kader; alors ce fut une poursuite sans répit, qui dura pendant plus de 20 kilomètres, dans la région de Bou Saada, et qui fit tomber entre ses mains plusieurs drapeaux, des prisonniers, des tentes et un convoi de 800 mulets. Abd el Kader serré de près à plusieurs reprises avec 14 de ses cavaliers, par plusieurs officiers français qui avaient de bons chevaux, dut encore une fois son salut à la qualité supérieure de son cheval.
Si Yusuf épuisait ses chevaux, il pouvait les remplacer, tandis que l'Émir ne pouvait pas : Bugeaud écrivait le 31 mai à Léon Roches que les éclaireurs de Yusuf avaient suivi Abd el Kader en fuite vers le sud-ouest et qu'ils l'avaient vu réduit à " environ 150 cavaliers, éparpillés sur la route, les uns démontés, les autres traînant leurs chevaux par la figure, d'autres montés sur des haridelles maigres et blessées. "
Yusuf avait conquis l'estime et l'affection de Bugeaud, qui le considérait comme un magnifique cavalier, et l'appelait le " Murat de l'armée ". Après le départ pour la France de l'illustre Maréchal, il n'eut plus guère l'occasion de chevauchées, car Abd el Kader s'était réfugié au Maroc et fut bientôt amené à se rendre : l'ère glorieuse était close. Nommé inspecteur général permanent de la cavalerie indigène, il eût voulu, par-dessus tout, être admis

 
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