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   province d'Alger; puis, lorsque Desmichels eût été rappelé, et que Trézel voulut s'opposer à ses empiètements, il lui infligea en juin 1835 une défaite à la Macta.
Lés expéditions de Clauzel contre Mascara et Tlemcen infligèrent à l'Émir deux grands échecs; mais Abd el Kader, même abandonné de tous, ne se décourageait pas; il lançait ses appels à la lutte contre les Infidèles, rappelant aux Musulmans les deux seules belles destinées à souhaiter pour eux : la victoire ou le martyre. Il bloqua la colonne du général d'Arlanges au camp de la Tafna ; mais il subit, lorsque Bugeaud intervint avec des renforts, une défaite complète à la Sikkak, en juillet 1836.
L'Émir, comme toujours, restaura son prestige rapidement, et parvint à gêner considérablement le ravitaillement des troupes françaises par les tribus. Le Gouvernement de Louis-Philippe, qui voulait la paix dans l'Ouest algérien pour pouvoir faire l'expédition de Constantine, envoya de nouveau Bugeaud sur place, mais cette fois pour négocier. Le résultat de cette négociation fut déplorable : par le traité de la Tafna, l'Émir obtenait la reconnaissance de son autorité sur d'immenses territoires, y compris Tlemcen, défendue six ans par les Koulouglis, et la plaine de Mleta, propriété des Douairs; il triomphait davantage que s'il avait remporté d'éclatantes victoires.
Ainsi affermi et grandi par la France, Abd el Kader put châtier les tribus qui refusaient de le reconnaître et organiser son Sultanat. Il créa des divisions administratives, réglementa les impôts, la justice, l'instruction, le commerce, constitua une armée régulière et tenta de nouer des relations à l'extérieur. Sa grande erreur fut d'essayer de créer en Algérie une nationalité musulmane qui était impossible à réaliser : le seul lien capable d'unir les agglomérations si disparates arabes ou kabyles était celui de la Guerre Sainte; ce lien rompu, le " Sultanat " devait fatalement se dissocier !...
Ce fut Abd el Kader qui recommença les hostilités en novembre 1839, en prenant comme prétexte le passage de la colonne du duc d'Orléans par le défilé des Portes de Fer. Quoiqu'il ne disposât pas de tous les moyens qu'il eût souhaités, il n'avait rien à gagner en attendant : " J'ai voulu la guerre, a-t-il déclaré plus tard, parce qu'aux préparatifs faits par les Français, aux établissements créés par eux de tous côtés, j'avais parfaitement compris que la paix conclue n'était pas leur dernier mot. "
Tandis que le maréchal Valée, quoique ayant occupé
      

Médéa et Miliana en mai et juin 1840, resta en fait sur la défensive, Bugeaud, qui le remplaça en 1841, prit une vigoureuse offensive avec ses colonnes mobiles; il détruisit la nouvelle capitale de l'Émir, Tagdempt, et occupa l'ancienne, Mascara. En 1842, ce fut un véritable " jeu de barres " entre les lieutenants de Bugeaud et ceux d'Abd el Kader. Bugeaud, pour mieux enserrer son adversaire, f fonda des postes constituant un véritable réseau entre les mailles duquel il devenait difficile de passer.
Ce fut d'un des nouveaux postes créés, Boghar, que le duc d'Aumale s'élança avec Yusuf sur les traces de la Smala, et l'atteignit le 16 mai 1843, portant un rude coup à la puissance et au prestige de son adversaire. Néanmoins l'Émir continua à circuler en zigzags à travers les colonnes lancées à sa poursuite, restant insaisissable. Obligé enfin de s'enfuir au Maroc, il parut un moment hors de cause, surtout après la victoire de Bugeaud à l'Isly sur les Marocains.
Grâce à l'insurrection algérienne de 1845, préparée et attisée par ses soins, il rentra en scène d'une façon sensationnelle, en anéantissant près de Sidi-Brahim la colonne du lieutenant-colonel de Montagnac ; mais, rejeté au Maroc par Bugeaud, i1 s'y trouva aux prises avec le Sultan inquiet de sa présence. Encerclé par les Marocains d'une part et par les colonnes françaises de l'autre, il se décida à se rendre à La Moricière le 23 décembre 1847.
Alors commença la partie de l'existence d'Abd el Kader, trop ignorée, qui a fait de lui un Français. " L'ex-Émir , suivant l'expression officielle, fut amené en France, au lieu d'être transporté en Orient comme il en avait reçu la promesse; malgré l'amertume qu'il ne cessa d'éprouver, pendant toute sa captivité, de ce manquement à la parole donnée, Abd el Kader put comprendre peu à peu, dans ses conversations quotidiennes avec le général Daumas, chargé de le garder, que les Chrétiens n'étaient pas des êtres méprisables et que leur religion n'était pas très éloignée de l'islamisme.
Lorsqu'en octobre 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, devenu le Prince-Président, vint annoncer à Abd el Kader, au château d'Amboise, qu'il le rendait à la liberté, il lui fit traduire un document où il lui disait : " Vous serez conduit à Brousse, et vous y recevrez du Gouvernement français un traitement digne de votre ancien rang... Votre religion comme la nôtre, apprend à se soumettre 'aux décrets de la Providence. Or, si la France est maîtresse de

 
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