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vipère, elle produit le poison. " Cette vérité s'applique à
tous les pays et à toutes les races.
La promesse de fidélité à la France qu'Abd el Kader avait faite,
il la tint jusqu'à la fin de sa vie.
En 1860, alors qu'il était à Damas, il prévint le Consul de
France de l'agitation antichrétienne qui se manifestait; puis,
l'émeute ayant éclaté, il appela à lui les Algériens, ses
anciens fidèles de la Guerre Sainte, qui étaient venus nombreux le
retrouver, et porta secours avec eux au Consul et à ceux que la
populace poursuivait de sa haine. Il fit venir le Consul dans sa
propre maison, y arbora 1e drapeau tricolore, et y recueillit les
Chrétiens de toute nationalité qu'il put sauver.
Accompagné de 300 Algériens et de deux de ses fils, il parcourait
le quartier où grondait l'émeute en s'écriant " Oh! les
Chrétiens! oh! les infortunés, écoutez, venez à moi! Je suis Abd el Kader,
fils de Mahi ed Dine, le Moghrebin. Ayez confiance en moi, et je
vous protégerai... " A cet appel, beaucoup de malheureux
sortirent de leurs cachettes et vinrent à lui. Il sauva plus de 300
personnes au Consulat de Grèce, ainsi que tout le personnel de
l'institution des Sœurs de Charité, 6 prêtres, 11 sœurs et 400
enfants, et les ramena chez lui, où se trouvaient déjà les divers
consuls.
Les émeutiers s'étant réunis le lendemain devant sa maison, il
les harangua en leur prêchant la tolérance d'après des versets du
Coran; puis, les arguments religieux restant sans effet, il leur
déclara que s'ils osaient s'attaquer à ses protégés, il leur
montrerait comment Abd el Kader et ses soldats savaient combattre.
Il fit enfin publier, lorsque le calme fut un peu revenu, qu'il
paierait 50 piastres pour chaque chrétien qui lui serait amené. Il
put ainsi sauver plus de 12.000 chrétiens.
Abd el Kader reçut le grand cordon de la Légion d'honneur, et vit
la pension qu'il recevait de la France portée à 150.000 francs; il
fit un voyage en France en 1865.
Pendant la guerre de 1870-1871, apprenant que des Indigènes
algériens se servaient de son nom pour tenter des soulèvements en
Algérie, il leur écrivit pour les engager à se soumettre; il
écrivit en même temps au Gouvernement de la Défense Nationale :
" Quand un grand nombre de nos frères (que Dieu les protège)
sont dans vos rangs pour repousser l'ennemi envahisseur, et quand
vous travaillez à rendre les Arabes des tribus libres comme les
Français eux-mêmes, nous venons vous dire que ces tentatives
insensées, |
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quels qu'en soient les auteurs, sont faites contre la justice, contre la
volonté de Dieu et la mienne; nous prions le ToutPuissant de punir les
traîtres et de confondre les ennemis de la France "
La défaite de la France l'affecta profondément. Des voyageurs étrangers
reçus chez. lui s'étant permis de faire à ce sujet des réflexions
déplacées, Abd el Kader sortit sans mot dire, puis revint peu après,
revêtu de son grand cordon de la Légion d'honneur...
Ce qui avait permis ce rapprochement avec la France, c'est le fait qu'Abd el Kader
avait réfléchi sur sa religion elle-même; il l'avait mieux comprise et il
était arrivé à la conviction qu'elle n'impose pas cette haine que son père
et les autres marabouts avaient cru y découvrir. Resté profondément pieux,
devenu même d'une piété ascétique, il se déclarait l'ami de la France, et
il écrivait, dans l'ouvrage philosophique qu'il envoyait en 1855 à la
Société Asiatique à Paris : " Si les Musulmans et les Chrétiens me
prêtaient l'oreille, je ferais cesser leur divergence, et ils deviendraient
frères à l'extérieur et à l'intérieur ".
Puissent les méditations et les conclusions de ce grand soldat, de ce pieux
Musulman, de ce profond penseur, servir à montrer le vrai chemin à tous les
Indigènes de l'Afrique du Nord.
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