CHAPITRE V
LE MARÉCHAL BUGEAUD
Le maréchal Bugeaud a laissé un nom aussi étroitement associé
au souvenir de la conquête que largement populaire dans l'armée
d'Afrique.
Ancien officier de l'Empire, il avait pris part de 1808 à 1814 à
la guerre en Espagne et avait été mis en demi-solde en 1815 comme
colonel. Tous ses efforts pour reprendre du service pendant la
Restauration étant restés vains, il s'était consacré à la
culture de ses terres en Dordogne, et y avait acquis une sérieuse
expérience agricole. La Révolution de 1830 lui avait permis de
rentrer dans l'Armée; promu maréchal-de-camp le 2 avril 1831, il
avait été élu député de la Dordogne au mois de juillet suivant.
Il était investi de la pleine confiance de Louis-Philippe.
Lorsque la malheureuse situation du général d'Arlanges, bloqué en
mai 1836 au camp de la Tafna, décida le Gouvernement à envoyer des
renforts en Algérie, Bugeaud fut chargé de conduire au camp de la
Tafna trois régiments nouveaux.
Âgé alors de cinquante-deux ans, il était dans toute sa force
intellectuelle et physique. De haute taille, d'allure vigoureuse, le
visage un peu massif et légèrement gravé de petite vérole, le
teint fortement coloré, l'œil gris clair, le nez légèrement
aquilin, le front peu garni de cheveux blanchissants, il avait un
aspect franc, simple et bienveillant.
Dès son débarquement à la Tafna, le 6 juin 1836, Bugeaud fit
connaître aux colonels et chefs de corps réunis qu'il entendait se
débarrasser des lourds convois et même de l'artillerie, alléger
les hommes, faire porter les vivres et les munitions par des chevaux
et des mulets, les tentes servant de bâts et de sacs.
Il écrivit d'ailleurs, dès le 10 juin, au Ministre : " Il
faut, pour commander en Afrique, des hommes vigoureusement
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