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Cette affirmation se réalisa, puisqu'en novembre 1839 Abd el Kader
reprit les hostilités, en lançant ses partisans à l'attaque des
postes français. Alors Bugeaud monta à la tribune de la Chambre,
le 15 janvier 1840, pour exprimer toute sa pensée : "
L'occupation restreinte, déclara-t-il, me paraît une chimère.
Cependant, c'est sur cette idée qu'avait été fait le traité de
la Tafna. Eh bien, c'est une chimère!... et une chimère
dangereuse. Tant que vous resterez dans votre petite zone, vous
n'attaquerez pas votre adversaire au cœur. " Il ne voyait que
trois partis à prendre : l'abandon, que " la France officielle
ne voudrait pas " ; l'occupation maritime de " quelques
Gibraltars
qui absorberait des effectifs disproportionnés avec le but à
atteindre; la conquête absolue, qui s'obtiendrait par la
destruction de la puissance d'Abd el Kader, grâce à des colonnes
empêchant les tribus de semer, de récolter et de pâturer,
jusqu'à ce qu'elles se soumettent.
Il combattait de toutes ses forces le système -des postes
fortifiés employés par le maréchal Valée : " Que
diriez-vous, déclarait-il en mai 1840, d'un amiral qui, chargé de
dominer la Méditerranée, amarrerait ses vaisseaux en grand nombre
sur quelques points de la côte et ne bougerait pas de là? Vous
avez fait la même chose. Vous avez réparti la plus grande partie
de vos forces sur la côte, et vous ne pouvez de là dominer
l'intérieur. Entre l'occupation restreinte par les postes
retranchés et la mobilité, il y a toute la différence qui existe
entre la portée du fusil et la portée des jambes. Les postes
retranchés commandent seulement à portée de fusil, tandis que la
mobilité commande le pays à quinze ou vingt lieues. Il faut donc
être avare de retranchements, et n'établir un poste que quand la
nécessité en est dix fois démontrée. "
La guerre en Afrique semblait d'ailleurs à Bugeaud tout à fait
inutile si elle n'avait pas pour but de coloniser le pays. Il
critiquait amèrement " dix ans de sacrifices infructueux
", et il ajoutait : " Cherchez des colons partout;
prenez-les dans les villes, dans les campagnes, chez nos voisins,
car il en faudra 150.000 dans peu d'années. On me dira : C'est bien
cher! Comment, il faut leur fournir des terres, des -armes et des
vivres ? - Oui, Messieurs, vous le devez, si vous voulez rester en
Afrique; et c'est beaucoup moins cher que ce que vous faites. "
Lorsque le rappel de Valée fut décidé en décembre 1840, Bugeaud
fut désigné pour le remplacer. Il avait pour lui Louis-Philippe;
mais il avait par contre beaucoup d'ennemis |
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LE MARÉCHAL BUGEAUD
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