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suivante : " La terre appartient à Dieu, et il la donne en
héritage à ceux qu'il a choisis ", verset tiré du Coran, et
bien fait pour impressionner les Musulmans qui recevaient ses
lettres.
A un ancien lieutenant d'Abd el Kader auquel il donnait
solennellement l'investiture à Alger, en octobre 1842, il disait
clans son allocution : " La France veut vous gouverner pour que
vous prospériez. Elle veut que chacun puisse jouir paisiblement du
fruit de son travail et s'enrichir sans crainte d'être dépouillé.
Elle respecte vos mœurs ; elle fait observer votre religion; elle
choisit parmi vous un chef capable de vous commander. Si vous êtes
fidèles à vos promesses, la France est grande et puissante et vous
deviendrez grands et puissants avec elle. Si vous oubliez votre
engagement d'aujourd'hui, malheur! "
La création de camps destinés à surveiller le pays marqua en 1843
une étape importante dans l'œuvre de Bugeaud. Le camp d'El Asnam,
qui reçut bientôt le nom d'Orléansville, fut la base d'où il
partit pour aller occuper le port de Ténès. La prise de la Smala
au mois de mai, puis la défaite et la mort, au mois de novembre
suivant, du plus brave et du plus fidèle lieutenant de l'Émir, Ben
Allal, avec les restes des bataillons réguliers, portèrent des
coups terribles au prestige d'Abd el Kader. L'Émir avait été
obligé d'aller établir sa " deïra ", restes très
amoindris de la Smala. dans la zone saharienne des Chotts (lacs
salés), voisine du Maroc.
Bugeaud, élevé successivement cette année-là, aux dignités de
grand-croix et de maréchal de France, estimait que son ennemi
était vaincu. Dans un discours prononcé le 25 novembre 1843 à
Alger, à l'occasion d'un banquet offert au duc d'Aumale, il
s'exprimait ainsi : " Je vous dis hardiment que toute guerre
sérieuse est finie. Abd el Kader pourra bien encore, avec la
poignée de cavaliers qui lui restent, exécuter quelques coups de
mains sur les Arabes soumis de la frontière, mais il ne peut rien
tenter d'important. Et comment pourrait-il reconstituer une petite
armée ? Il a perdu partout l'impôt et le recrutement ; le pays est
organisé par nous et pour nous; partout on nous paie les
contributions, on obéit à nos ordres. "
Abd el Kader n'avait cependant pas renoncé à la lutte comprenant
qu'il ne pouvait plus rien contre Bugeaud sans l'appui du Maroc, il
chercha à amener le Sultan à la guerre; à cet effet, il exécuta
dans l'ouest de la province d'Oran des razzia. La Moricière fut
forcé d'installer un camp |
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à Lalla-Maghrnia, d'où grosse émotion parmi les Marocains, et attentats de
la part des cavaliers d'Oudjda. Bugeaud fit la démonstration de sa force en
allant le 19 juin occuper Oudida, et revint ensuite dans ses bivouacs de Lalla-Maghrnia.
Les agressions des Marocains continuant, une expédition devint inévitable.
Le Gouvernement français, craignant de provoquer de graves complications avec
l'Angleterre, ne la souhaitait pas, et le laissait entendre au maréchal
Bugeaud et au prince de Joinville, commandant d'une escadre croisant devant
les ports marocains. Mais Bugeaud écrivit à Joinville que l'honneur de la
France importait plus que les susceptibilités britanniques, si bien que le
jeune prince alla bombarder Tanger le 6 août et se dirigea sur Mogador pour
lui faire subir le même sort.
Bugeaud, qui avait en face de lui l'armée marocaine, forte de 6.000 cavaliers
réguliers, 1.200 fantassins et environ 50.000 cavaliers des tribus, sous les
ordres du fils du Sultan, eût préféré attendre l'attaque, en raison de la
grosse chaleur; mais l'attitude passive trop longtemps adoptée vis-à-vis
d'adversaires agressifs risquait de décourager les tribus soumises, et il
décida de marcher contre les Marocains.
Le 12 août, Bugeaud écrivit au prince de Joinville " Mon Prince, vous
avez tiré sur moi une lettre de change, je vous promets d'y faire honneur;
demain j'exécute une manœuvre qui me rapprochera, à son insu, de l'armée
du fils de l'Empereur, et après-demain, je la mets en déroute. "
Dans la soirée, il s'était étendu sur son lit de camp, lorsqu'on vint lui
demander de venir jusqu'à un punch offert aux officiers de deux régiments de
cavalerie arrivant en renfort. Il n'eut qu'à changer son fameux " casque
à mèche ", son bonnet de coton rendu légendaire par la chanson, contre
son képi, pour aller à un jardin pourvu d'allées et de portiques qui avait
été improvisé avec des lauriers-roses sur les bords de l'oued Isly, et qui
était illuminé de lanternes de papier. Au milieu des officiers réunis, il
s'écria de sa voix forte
" Après-demain, mes amis, sera une grande journée, je vous en donne ma
parole. Avec notre petite armée de 6.500 baïonnettes et l.500 chevaux, je
vais attaquer l'armée du prince marocain qui, d'après mes renseignements,
s'élève à 60.000 cavaliers... Moi j'ai une armée, lui n'a qu'une cohue. Je
vais vous prédire ce qui se passera. Je donne à la petite armée la forme
d'une hure de sanglier. La défense de droite, c'est La Moricière ; la
défense de gauche, c'est
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