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qu'il n'avait pu mener à sa fin l'œuvre colonisatrice qu'il
voulait réaliser après son oeuvre militaire. Il n'eut pas la joie
de voir l'essor rapide de l'Algérie qu'il avait tant aimée,
puisqu'il fut emporté le 10 juin 1849 par le choléra. Il a du
moins laissé une trace profonde dans l'histoire du pays dont il
reste le plus grand gouverneur, celui qui y a assuré la paix et qui
en a entrepris le développement économique.
Le nom de Bugeaud est, à juste raison, connu même dans les petits
villages de France et d'Algérie. Le Maréchal a gagné cette
popularité auprès des troupiers, parce qu'il s'occupait de leur
hygiène et de leur bien-être. Il s'arrêtait à l'occasion auprès
d'eux pour leur donner un conseil pratique, comme il eût fait dans
sa propriété avec ses ouvriers agricoles. II les obligeait à
porter une ceinture de laine par-dessus leurs vêtements pour se
préserver de la dysenterie ; il réglementait judicieusement les
haltes aux jours de grande chaleur; il obligeait les officiers à
payer de leur personne dans les moments pénibles et donnait
lui-même l'exemple malgré son âge.
La popularité de Bugeaud s'est matérialisée dans le couplet de
" La Casquette ", que les soldats continuent encore à
chanter sur une sonnerie de clairon. Ce couplet vient de ce que,
lors d'une attaque de nuit, il était accouru aux avant-postes sans
enlever son bonnet de nuit, et que, s'en étant aperçu après
l'alerte, il avait demandé sa casquette. La demande s'était
répétée avec zèle de bouche en bouche : " La casquette, la
casquette du Maréchal! " ; et depuis lors cette casquette,
déjà fort connue des troupiers pour sa forme spéciale, était
devenue légendaire. C'est un symbole tout à l'honneur du Maréchal
qu'entendre chanter dans les rangs de l'armée, 80 ans après
l'épisode nocturne :
As-tu vu
La casquette au Père Bugeaud.?
Ce grand soldat, ce judicieux administrateur, cet ardent
colonisateur est resté et restera pour les foules " le Père
Bugeaud ". |
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CHAPITRE VI
LES LIEUTENANTS DE BUGEAUD
La Moricière, Changarnier, Cavaignac, Bedeau
Si le maréchal Bugeaud a pu triompher d'Abd el Kader et réaliser la
pacification de l'Algérie, c'est parce qu'il avait sous ses ordres un grand
nombre de généraux et d'officiers supérieurs connaissant le pays et ses
populations et entraînés à la guerre d'Afrique.
Il connaissait la valeur de ses lieutenants et discutait parfois leurs
qualités en portant sur eux des jugements que le duc d'Aumale a retenus.
Trois d'entre eux étaient à ses yeux au-dessus des autres; La Moricière,
Changarnier et Bedeau. Son préféré était Changarnier, " méchant
caractère, disait-il, mauvais coucheur, mais rude soldat, le plus fort, le
meilleur de tous mes généraux " ; il l'appelait " le montagnard
", en raison de sa manière d'aborder la montagne de front comme lui,
sans faire de détours. Il considérait Bedeau comme un " homme de devoir
et de conscience, solide et ne bronchant pas au feu ". II ne plaçait
qu'en troisième lieu La Moricière, " vaillant, infatigable,
débrouillard. sans doute, mais doctrinaire, discutant sans cesse, ergotant,
hésitant et n'aimant pas les responsabilités " ; ce dernier jugement a
été certainement influencé
" par l'amertume qu'éprouvait Bugeaud de se voir attaqué à Paris par
les partisans de La Moricière et de son système de colonisation.
Parmi les officiers plus jeunes placés sous ses ordres, bien d'autres
étaient remarquables à ses yeux; le général Cavaignac, " homme
énergique, connaissant mal les Arabes, un peu susceptible, mais soldat de
devoir, de discipline,
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