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chef d'état-major incomparable, énergie indomptable, caractère
de fer » ; le colonel Morris, « superbe au feu, d'une bravoure
sans égale, tempérament militaire par excellence » ; les colonels
de Saint-Arnaud, Cousin-Montauban et Canrobert, auxquels il
accordait un grand avenir.
De cette pléiade, à laquelle il faudrait ajouter beaucoup d'autres
noms encore pour qu'elle fût complète, quatre chefs ont émergé,
pendant lé commandement même de Bugeaud et sont restés chers à
l'armée d'Afrique : La Moricière, Changarnier, Cavaignac et
Bedeau.
La Moricière
Le général de La Moricière a été, avec Bugeaud, le chef le
plus populaire de l'armée d'Afrique. Il a même été, dans
l'esprit de certains officiers, son rival, parce que ses conceptions
sur la direction et l'administration de la colonie étaient
différentes.
Breton d'origine, élève de l'école Polytechnique, jeune officier
du génie en 1830, il obtint de participer à l'expédition, rendit
maints services avec ses sapeurs, leva le plan d'Alger. Se
passionnant pour le pays et sa population, curieux de mieux les
connaître, il apprit l'arabe. Lors de la création des zouaves en
1831, il y entra à 24 ans comme capitaine, y connut les périodes
difficiles du début, leur donna leur costume, et porta lui-même la
chechia rouge qui le fit surnommer par les Indigènes « Bou
Chéchia », « l'homme à la chechia ». Malgré son activité
physique à la tête de ses hommes, il étudiait le Coran,
l'organisation et les mœurs des Indigènes, le régime de la
propriété. Le général Trézel, chef d'état-major du duc de
Rovigo, gouverneur en 1833, le chargea des relations avec les
Indigènes, en le mettant à la tête d'un « bureau arabe » créé
à son cabinet, avec dés interprètes pour l'assister.
L'idée dominante de La Moricière était, dès cette époque, de
s'associer avec les Indigènes au lieu de leur faire la guerre, de
chercher à les connaître au lieu de les châtier à l'aveugle. Il
mit sa théorie en pratique en obtenant des Hadjoutes, tribu
avoisinant Alger, de faire garder les postes malsains de la Mitidja
par des guerriers de leur tribu qui furent les premiers « spahis
». Payant beaucoup de sa personne, La Moricière allait
audacieusement dans les
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tribus parler aux chefs. En même temps, il étudiait ce que pouvait donner la
culture de l'olivier, du mûrier, du coton. Ce fut après une reconnaissance
exécutée par ses soins et d'après les renseignements fournis par lui que le
général Trézel put en novembre 1833 procéder à l'attaque de Bougie,
opération à laquelle La Moricière prit part brillamment :
« Il dirige l'exécution de tout ce qui offre quelque difficulté, écrivait
Trézel. Coups de mains, tracé des ouvrages sous le feu, conduite des
colonnes, tout roule sur lui, on le voit partout, et il est si bien connu,
qu'officiers et soldats lui obéissent tout naturellement. » Mais comme, en
son absence, les Indigènes des environs d'Alger avaient recommencé leurs
brigandages, il ne fut plus chargé à son retour du bureau arabe, jugé
inutile; du moins fut-il nommé chef de bataillon.
La Moricière reprit le commandement de son (bataillon de zouaves, fort
diminué par la désertion, et s'appliqua aussi bien à élever le moral de
ses hommes qu'à entretenir de bonnes relations avec les indigènes des
tribus. Il pénétrait de mieux en mieux le caractère musulman et
comprenait ainsi les erreurs commises.
Lorsque Trézel éprouva l'échec de La Macta, La Moricière allait
précisément par mer d'Alger à Oran, chargé par le général d'Erlon de
négocier avec Abd el Kader : informé de l'événement, il débarqua à
Arzew, et, voyant le triste état des troupes qui venaient d'y arriver, il
poussa par mer jusqu'à Oran. De là, avec les capitaines Cavaignac et
Montauban, accompagné de 300 cavaliers Douairs et Smela, il revint par terre
à Arzew, et put, grâce à ce coup d'audace, décider les troupes non encore
embarquées à revenir par terre à Oran, sauvegardant ainsi leur honneur.
La bravoure spontanée de La Moricière se révéla encore en octobre 1835
lorsque, dans un engagement aux environs d'Alger, le jeune commandant sauva la
vie du sous-lieutenant Bro, qui, blessé, démonté, abandonné, se défendait
seul contre trois Indigènes.
L'expédition de Mascara, en novembre-décembre suivants, donna à La
Moricière et à ses zouaves, placés à l'avant-garde, l'occasion de se faire
apprécier de l'armée. Le duc d'Orléans, qui avait beaucoup entendu parler
d'eux, aimait à questionner La Moricière, déjà célèbre.
Le grand fait d'armes de La Moricière, en tant que chef de troupe, fut à la
prise de Constantine en 1837. Commandant de l'une des trois colonnes d'assaut,
il avait sous ses
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