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   de Montauban ; il renouvela sa soumission à La Moricière, qui arriva bientôt accompagné de Cavaignac, et poursuivit avec eux sa route sur Nemours.

La gloire d'avoir participé à cet événement d'une immense portée était bien due au chef qui avait dirigé tant d'expéditions destinées à obtenir la pacification du pays, à l'administrateur qui avait prodigué tant d'efforts pour réaliser sa colonisation, et qui, quelques semaines plus tard, partait pour la France, sa carrière africaine définitivement close.

Le général Changarnier

Le brave Africain que fut Changarnier était étudiant en droit lorsqu'il était entré aux gardes du corps du Roi en 1815, avec rang de lieutenant ; rien n'indiquait chez ce jeune homme de petite taille, blond, rose, de tenue très soignée, qu'il dût devenir un rude soldat. Capitaine au 2e léger en 1830, il prit part à l'expédition d'Alger à la tête d'une compagnie; il revint avec elle à Perpignan et se fit distinguer entre tous par son général de division, Castellane, qui s'y connaissait en hommes, et qui le notait : « Fait pour commander aux autres. »

Parti avec son bataillon pour la province d'Oran en novembre 1835, il le commanda par intérim à l'expédition de Mascara ; il se conduisit brillamment à l'avant-garde de la brigade Oudinot, à l'engagement de Sidi Embarek, puis se fit remarquer au retour par son endurance sous les pluies abondantes et pendant les nuits passées debout dans la boue.

Nommé chef de bataillon à la suite de cette campagne, il confirma sa réputation naissante par sa conduite à la première expédition de Constantine en 1836, dans la division Trézel. Ce fut surtout pendant la retraite qu'il eut l'occasion de montrer sa vaillance, son énergie et son sang-froid. Alors qu'un certain désordre se produisait dans la plupart des corps, Changarnier forma avec son bataillon l'arrière-garde de la colonne. La cavalerie ennemie se précipitant sur lui, il arrêta son bataillon, et s'écria d'une voix forte: « Soldats du 2e léger, regardez ces gens-là en face : ils sont six mille et vous êtes trois cents. Vous voyez que la partie est égale. » Puis il fit former le carré,

      

commencer le feu sur trois faces, et joncha le terrain des cadavres de ses adversaires. Il eut un capitaine et 16 hommes tués, et plus de 40 blessés, dont lui même; mais il sauva l'armée. Changarnier et son bataillon furent acclamés par toutes les troupes lorsque, l'ennemi s'étant retiré, ils rejoignirent le bivouac. On parla partout, en Algérie, en France et même à l'étranger, du héros de la retraite de Constantine.

Au début de 1837, Changarnier fut convoqué à Paris par le ministre de la Guerre; en arrivant à Marseille, il apprit qu'il était nommé lieutenant-colonel au 2e léger. Lorsqu'il revint en Algérie après son congé, il séjourna dans les camps des environs d'Alger, jusqu'au moment où il parti­cipa en 1839, au lendemain de sa nomination de colonel du régiment, à l'expédition des Portes de Fer.

La reprise de la guerre par Abd el Kader à la fin de 1839 donna au maréchal Valée l'occasion d'utiliser Changarnier : il l'installa à Boufarik afin d'y assurer la marche des convois destinés à ravitailler la garnison de Blida. Chaque convoi donnait lieu à des engagements : celui du 31 décembre, que Valée vint diriger lui-même, fut marqué par une magnifique charge du 2ème léger dirigée par Chan­garnier. Valée décida alors dé le laisser au camp de Blida, d'où il infligea aux ennemis qui le bloquaient une si sévère leçon le 29 janvier 1840, qu'il eut ensuite la paix durant Plusieurs semaines.

Le 2e léger était la preuve vivante des résultats que peut obtenir l'action personnelle d'un chef de corps; il se distinguait entre tous les régiments par son instruction, sa discipline, son entrain, son moral, sa gaieté. Le colonel Changarnier, par l'exemple constant qu'il donnait, par la bienveillance avec laquelle il traitait ses subordonnés, par la sévérité dont il usait avec les mauvais sujets, par l'habileté avec laquelle il développait les sentiments d'honneur, de patriotisme, de camaraderie, de dévouement, avait acquis la confiance et l'affection de son régi­ment, et pouvait lui demander n'importe quel effort.

Lorsque, au printemps de 1840, une colonne destinée à occuper Médéa et Miliana fut constituée par Valée, Changarnier fut avec son régiment le héros de la journée en plusieurs circonstances. Au Tenia de Mouzaïa, le 12 mai, il escalada les retranchements établis par les troupes d'Abd el Kader, enleva la redoute qui défendait la position et y fit flotter son drapeau, tandis que le clairon sonnait la marche

 
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