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   Mêlé aux événements de cette époque troublée, il fut banni de France par Louis Napoléon-Bonaparte en janvier 1852, en même temps que La Moricière et Bedeau. Il avait sacrifié sa magnifique carrière à des querelles civiles pour lesquelles il n'était guère préparé.
Dans sa vie mouvementée, qui se termina en 1877 par des funérailles nationales aux Invalides, c'est la partie africaine qui étincelle de l'éclat le plus pur, celle qui a mis en lumière ses magnifiques qualités de soldat, celle par laquelle il est toujours resté populaire auprès du peuple français.


Le général Cavaignac

Fils d'un conventionnel exilé par la Restauration, Eugène Cavaignac était entré à Polytechnique en 1820 et en était sorti dans l'arme du génie. Il était profondément imbu d'idées républicaines, qu'il ne cachait pas, et fit même à Metz, comme capitaine en 1831, de la propagande pour elles, ce qui lui valut d'être l'objet de rapports défavorables au ministre de la Guerre. Envoyé en Algérie en 1832, il dirigea des travaux de son arme, en particulier des constructions de routes, au milieu des difficultés et des dangers de cette période.

Le capitaine Cavaignac accompagna Clauzel dans son expédition sur Tlemcen en 1836. Lorsque le maréchal décida d'y laisser une garnison pour aider les Koulouglis à défendre le Méchouar (la citadelle), et qu'il forma à cet effet un bataillon de 500 volontaires, ce fut le capitaine Cavaignac qui en reçut le commandement avec le titre de chef de bataillon provisoire. Il eut comme premier soin de perfectionner l'organisation militaire des 600 à 700 Koulouglis qui se trouvaient avec lui et de compléter les for­tifications de leur quartier. Privé de communications avec. Oran depuis le départ de Clauzel le 7 février, attaqué par les tribus des environs, il s'appliqua à maintenir et à élever le moral de ses hommes et leur montra l'exemple et l'endurance jusqu'au moment où il fut délivré par Bugeaud le 24 juin.

Bugeaud laissa à Cavaignac 300 éclopés, lui prit 200 de ses volontaires et 300 Koulouglis, réalisa la jonction avec la mer, remporta la victoire de Sikkak, et lui ramena un convoi de ravitaillement. Mais, dès qu'il se fût éloigné, le blocus recommença. Cavaignac dut partager ses

      

approvisionnements avec ses protégés indigènes, si bien qu'il fut obligé de fabriquer du pain avec de l'orge et du son, de distribuer seulement la demi-ration, et de se procurer de la viande par des razzia aux environs. Le 28 novembre, un convoi venu d'Oran avec le général Létang soulagea la détresse de la petite garnison, et put emmener une partie des Indigènes qui lui étaient à charge. Mais le blocus reprit ensuite, et fit subir aux assiégés des privations et des souffrances plus fortes que jamais : Cavaignac, stoïque et amaigri, donnait l'exemple à ses hommes, qui n'osaient se plaindre en voyant ce que supportait leur chef.

Un convoi amené par des Indigènes par suite d'un accord entre le général de Brossard et Abd el Kader, parvint à Tlemcen au début d'avril 1837 : Cavaignac en distribua un tiers aux Indigènes, et vécut sur les deux autres tiers jusqu'à ce que, le 20 mai, Bugeaud reparût, à la tête de forces importantes.

Tant d'énergie et d'endurance furent malheureusement sans profit. Par le traité de la Tafna, que Bugeaud conclut avec Abd el Kader le 30 mai 1837, Tlemcen fut cédée à l'Émir. Cavaignac et ses volontaires évacuèrent le Mechouar; leurs alliés les Koulouglis, abandonnés par le traité, les suivirent en partie, avec ce qu'ils purent emporter de leurs biens...

Cavaignac, dont la santé était ébranlée par les privations subies à Tlemcen, alla se reposer quelque temps en France, et y réunit, dans ses Notes sur la Régence d'Alger, le fruit de ses études et de ses réflexions depuis six ans. Il soulevait dans ces pages les grands problèmes algériens qui ont attiré depuis lors et qui attirent encore l'attention de tous les penseurs. Il plaçait au premier rang de ses préoccupations le sort de la population indigène : « Ce qu'il faut à cette population, écrivait-il, c'est le repos, la protection, la liberté, telle qu'elle peut la comprendre, la justice surtout, telle que tous les hommes la comprennent. C'est à la France de faire prévaloir tous ces principes d'une application nou­velle chez les Arabes... » Il estimait que la protection accordée aux Indigènes amènerait la sécurité, grâce à laquelle ils pourraient cultiver leurs terres : « La guerre, écrivait-il, ne doit pas être notre but; elle ne peut être que l'appui d'une politique pacifique et protectrice du travail. » Cette guerre, il la voulait « immédiate, plus prompte que meurtrière », afin de soumettre les Indigènes et de leur permettre ensuite de participer aux bienfaits de la civilisation.

 
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