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   En mars 1871, lorsque l'amiral de Gueydon fut nommé gouverneur général, l'Algérie était profondément troublée. La mutinerie des membres affiliés à la Commune de Paris avait, en révélant aux indigènes nos dissensions intérieures, déchaîné l'insurrection. La Kabylie tout entière se révoltait et commençait à déferler sur Alger dégarnie de troupes régulières. On sait de quel cœur intrépide l'homme de guerre prit le commandement, avec quel sang-froid il jugea la situation et comment il s'en rendit maître en quelques semaines. L'administrateur allait rendre au pays des services plus grands encore. Son intelligence vaste et lucide lui montra très vite les points sur lesquels devait princi­palement porter l'effort de réorganisation. Substituer le gouvernement au commandement sans diminuer le prestige de l'armée; remplacer la justice militaire et les commissions disciplinaires par les tribunaux ordinaires sans affaiblir la répression par une extension prématurée aux indigènes du régime de droit commun; châtier les rebelles sans sévérité excessive et ramener la sécurité indispensable au développement de la colonisation; telles sont les grandes lignes de sa politique. A la mettre en couvre il employa toutes les ressources de son esprit à la fois cultivé et pratique, poursuivant toujours les buts les plus élevés dans les vues les plus larges, servi par une volonté tenace, sagace et circonspecte. Son action prudente apaisa les esprits, rétablit l'ordre moral après l'ordre matériel, régénéra pour ainsi dire, l'Algérie. Partout les villages détruits par l'insurrection se relevèrent de leurs ruines. Un programme de création de nouveaux villages de colonisation fut amorcé par des prélèvements sur les terres séquestrées. Les résultats obtenus par lui en 27 mois, et les nombreux projets qu'il a élaborés avec une connaissance et une compréhension remarquables des choses algériennes, autorisent à penser que si l'amiral était demeuré quelques années de plus à la tête de la Colonie, l'Algérie eût peut-être réalisé bien vite les progrès qu'elle a mis si longtemps à accomplir. « C'est le malheur de l'Algérie, disait Thiers, qu'on n'y laisse jamais ceux qui ont eu le temps de l'apprendre et l'intelligence de la comprendre. » Et Chanzy : « Il a fait, en deux ans, ce que nous, soldats, aurions mis vingt ans à accomplir. »
Ce dernier était, du moins, l'homme le plus qualifié pour continuer l'œuvre commencée. Son prestige était immense ' il s'était couvert de gloire pendant la guerre franco-allemande et son républicanisme venait d'être consacré par la
      

présidence du centre gauche. Son expérience du pays où il avait fait toute sa carrière lui conférait une autorité considérable. Puissant organisateur, il donna à la colonisation officielle une impulsion dont elle devait longtemps conserver la vigueur; il acheva sans à-coup la transition du régime militaire au régime civil en dotant l'Algérie de ce cadre administratif qui lui attribue, vraiment, la physionomie d'une autre France. Partisan convaincu de l'assimilation, c'est lui qui en définit le système dans les deux formules : initiative et exécution à Alger; décision et contrôle à Paris.
Or, l'application de cette formule va réduire à bien peu de chose le rôle du Gouverneur Général.
Si, en effet, la décision devait être prise à Paris, elle ne le pouvait être en connaissance de cause par le Ministre de l'Intérieur que dans les matières de sa compétence; pour les autres matières, il fallait faire intervenir les différents ministres responsables devant le Parlement. Ainsi devait-on en arriver au système, dit « des rattachements », défini par le décret du 26 août 1881, dans lequel les services de l'Algérie sont placés sous l'autorité directe des Ministres, qui suivent de Paris, chacun en ce qui le concerne, les affaires relevant de son département, transmettent des instructions au Gouverneur Général, sollicitent ses avis et propositions et décident ensuite eux-mêmes ou font prendre la décision par le chef de l'État.
Dans cette conception, le Gouverneur Général n'est qu'un agent des ministres, chargé par eux de provoquer les décisions nécessaires et de les exécuter quand elles ont été prises. Il n'a même pas le droit, en principe, de nommer et révoquer le personnel des bureaux du Gouvernement général, lesquels sont considérés comme des bureaux détachés des différents ministères et dirigés par le Secrétaire général du gouvernement; il donne seulement son avis et fait des propositions sur les mutations et nominations. Il établit le projet de budget concernant les services civils, le soumet au Conseil supérieur du gouvernement, lequel, réorganisé et élargi par le décret du 11 août 1875, comprenant, désormais, outre les quatorze hauts fonctionnaires - quinze à partir de 1883 - du Conseil de gouvernement, les trois préfets, les trois généraux commandant les divisions et dix-huit conseillers généraux, examine les propositions budgétaires, l'assiette et la répartition des impôts. Les Ministres arrêtent ensuite ces propositions. Les crédits ouverts à l'Algérie, par la loi

 
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