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C'est une formation militaire. Les territoires d'Aïn-Sefra, des
Oasis, de Ghardaïa et de Touggourt représentent, chacun, une
marche commandée par un officier général ou supérieur, nommé
par décret sur la présentation du Gouverneur général et la
proposition des Ministres de l'Intérieur et de la Guerre. Ce
commandant a sous ses ordres les forces militaires et les bureaux
des affaires indigènes, avec l'ancienne hiérarchie des Bureaux
arabes et la division en cercles, annexes et postes, dans laquelle
s'insère la répartition en communes mixtes et indigènes. Comme
chef militaire il a les pouvoirs d'un commandant de subdivision;
comme administrateur, ceux d'un sous-préfet auquel le préfet
aurait consenti de très larges délégations.
Les territoires sont, en effet, groupés en une unité
administrative ayant une personnalité civile distincte, un
patrimoine propre et un budget particulier; placée sous la haute
autorité du Gouverneur général de l'Algérie, qui l'administre
sans partage d'attributions avec les assemblées algériennes et
exerce, en outre, les pouvoirs préfectoraux qu'il n'a pas délégués
aux commandants des territoires. Le budget civil est alimenté par
les ressources locales. Les dépenses militaires, prises en charge
par la France, n'y figurent que pour mémoire. Un certain nombre de
services publics, comme les Travaux publics, l'Enseignement, les
Postes, Télégraphes et Téléphones, les Douanes, sont assurés
par les Directions algériennes et donnent lieu à des règlements
par contribution avec le budget de l'Algérie. D'une manière
générale, le voisinage des deux circonscriptions entraîne,
d'ailleurs, un chevauchement des institutions. Les services
spéciaux sont groupés à Alger dans une direction, et un
conseiller de gouvernement est chargé de leur inspection. Pour le
surplus, la réglementation est la même, et la législation
applicable à l'Algérie l'est également, en principe, aux
Territoires du Sud.
Dans l'esprit du législateur, l'organisation, ainsi réalisée
de 1896 à 1902, était une formation provisoire; or, après
plusieurs lustres, elle demeure à peu près intacte. Il faut noter,
seulement : la lente disparition du territoire de commandement,
consommée depuis le 1er janvier 1923 la progression correspondante
du territoire civil, aujourd'hui réparti entre 296 communes de
plein exercice, représentant plus de 2 millions et demi d'hectares
et de deux millions d'habitants; et 78 communes mixtes, avec 18
millions
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d'hectares et près de trois millions et demi d'habitants; la
décentralisation de la justice par la création des tribunaux répressifs
indigènes et des cours criminelles; et la loi du 4 février 1919, qui a
considérablement accru les droits civils et politiques des indigènes et
porté leur collège électoral à 420.000 électeurs.
L'Algérie est certainement redevable au nouveau régime, d'un développement
de sa richesse qui, ralenti par la guerre, a pris, au cours des dix dernières
années, un remarquable essor. La population totale est passée, de moins de 4
millions, en 1886, à plus de 6 millions, en 1926. Les Européens étaient
538.907 en 18%; 680.263 en 1906; 752.043 en 1911 ; 791.433 en 1921 et 833.359
en 1926. Ils possèdent 2.400.000 hectares. dont 223.000 sont plantés en
vigne. Les agriculteurs indigènes cultivent deux millions et demi d'hectares
et en détiennent 9 millions; ils emploient plus de 50.000 charrues
françaises et habitent 70.000 maisons bâties à l'européenne. La
colonisation leur payait déjà, avant la guerre, plus de cent millions de
salaires. Le budget de l'Algérie, qui s'équilibrait, en recettes et en
dépenses, par 55 millions, en 1901, et par 175 millions, en 1910, a atteint
1.320 millions, en 1929, dont 865 pour le budget ordinaire, 455 pour le budget
extraordinaire et 150 pour le budget spécial des Postes, Télégraphes et
Téléphones.
Deux gouverneurs : Lutaud et Jonnart, ont leur nom marqué sur cette page
d'histoire algérienne.
Lutaud avait montré, comme préfet d'Alger, en 1898, beaucoup d'énergie et
de décision; il avait rétabli l'ordre dans les rues et ramené les esprits
au respect de l'autorité. C'était un esprit précis et cultivé, un homme du
monde qui dissimulait sous une sévérité apparente un grand fond de bonté
et de sensibilité. Sa désignation comme gouverneur, en mars 1911, avait
été bien accueillie; ses débuts devant les Assemblées algériennes
s'annonçaient favorables. Il aurait mis au service de l'Algérie de
brillantes qualités d'administrateur si la guerre n'était venue limiter son
activité au recrutement indigène et au ravitaillement de la métropole. Dans
ces circonstances difficiles, il sut conserver à la France la confiance de
ses sujets. Il fit appel à leur loyauté; il leur rappela les liens de
fraternité noués sur les champs de bataille; il leur montra leurs destinées
étroitement unies aux nôtres et, finalement, réussit à leur communiquer sa
foi robuste dans la victoire.. Lorsque l'insurrection éclata dans l'Aurès,
en novembre 1916, il se rendit aussitôt dans le
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