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CHAPITRE IV

Pour dégager les caractères généraux de l'organisation politique et administrative actuelle de l'Algérie, il faut, tout d'abord, corriger ce que le schéma de son développement dans le plan historique a de trop rigide et, par conséquent, d'un peu inexact. Il convient, ensuite, d'en présenter l'exposé en une forme moins discursive et de le ramener à une notion juridique simple.


Le gouvernement et l'administration de l'Algérie sont un amalgame, plutôt qu'un composé sédimentaire de trois couches successives d'institutions, provenant du régime militaire et d'un régime civil qui a évolué de l'assimilation vers la décentralisation. Il n'y a pas, en effet, dans l'histoire du droit public algérien, trois périodes séparées, formant coupures à arêtes vives et correspondant à des systèmes absolus, s'excluant mutuellement. L'emploi déterminé d'une méthode n'a pas plus empêché le jeu et la création d'institutions inspirées d'autres méthodes, que l'avènement d'un régime nouveau n'a arrêté le fonctionnement des organismes provenant du régime précédent. Les milieux sociaux possèdent une force de conservatisme qui résiste aux bouleversements politiques. D'ailleurs, les vocables : " régime ", " méthode ", " politique ", traduisent les tendances d'une époque plus qu'ils ne la caractérisent ; ils ne sauraient, en tout cas, prétendre en embrasser tous les aspects. N'avons-nous pas remarqué, déjà, que le régime militaire avait constitué, sous l'Empire libéral, tous les cadres du régime civil et que celui-ci n'a rien trouvé de mieux, pour rétablir l'ordre troublé par l'insurrection de 1871, que de maintenir la commune mixte et d'imiter les Bureaux arabes ? On ne fait, certes, aucun tort à la IIIème République en constatant encore que la création des communes de plein exercice, préparée ou développée par la Royauté, la IIème République et l'Empire, est une mesure de décentralisation, édictée dans un esprit d'assimilation; qu'enfin la décentralisation réalisée de 18% à 1900 a été

      

suivie de près, en 1902, par l'organisation de marches  sahariennes dans lesquelles le régime militaire a trouvé un regain d'activité.
C'est qu'au fond le but poursuivi par la France en Algérie n'a jamais varié, malgré les apparences. La puissance d'assimilation qui est l'expression la plus forte, peut-être, du génie de notre race, s'est exercée, dès le début de la conquête et sous tous les régimes, dans tous les domaines à travers toutes les méthodes, dessinant lentement chacun des traits de cette ressemblance extérieure si frappante qui fait de l'Algérie une image de la France, sa claire image, reflétée dans le miroir des eaux de la Méditerranée.
Mais l'œuvre d'assimilation a toujours dû composer avec la résistance du milieu indigène. La pacification, constante préoccupation de la France pendant toute la fin du XIXème siècle et le début de XXème ; le maintien de la sécurité, dure nécessité que de douloureux événements viennent périodiquement nous rappeler, nous ont obligés à donner à l'administration une physionomie militaire et à lui conserver un caractère général d'autorité. Il a fallu encore assouplir notre organisation départementale et communale pour y faire entrer les cadres de la société indigène; créer, par exemple, le type de la commune mixte, dédoublée en section française et en douar-commune indigène; attribuer comme un caractère de dualité aux conseils généraux et municipaux. En somme, bien peu d'institutions métropolitaines ont été transportées telles quelles et simplement superposées ou juxtaposées aux institutions locales. Tout un corps de spécialistes - officiers et fonctionnaires - des affaires indigènes s'est, au contraire, efforcé d'adapter nos formations au milieu algérien et d'agir sur lui pour l'entraîner derrière nous dans une lente évolution.
Cependant le peuplement européen avait pris, lui-même, la forme consistante d'un milieu néo-français dont les besoins étaient étouffés par le cadre du département. Il a fallu tenir compte de ce particularisme économique, élargir le cadre administratif emprunté à la Métropole et interposer entre le département algérien et l'État français une formation intermédiaire.


L'organisation actuelle de l'Algérie est donc un équilibre dynamique dont les composantes sont l'idéal français d'assimilation, le conservatisme indigène et l'évolutionnisme

 
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