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Fig. 61. -Décor turco-moresque (W. et G. Marçais) " Art d'écumeur de mers ", c'est le mot qui définit le mieux l'esthétique turco-maghrébine. Pour la comprendre, il faut chasser les nobles visions de l'art moresque, et se rendre compte qu'il s'agit ici dune facture moins aristocratique, mêlée, composite, souvent incohérente, sans hautes prétentions artistiques, mais charmante et pittoresque si nous savons la reporter dans son moment historique et social.
L'apport étranger est considérable, mais le legs de la tradition reste notable.

Réminiscences du passé. l'arc en fer à cheval brisé, employé dans les galeries, dans les mosquées; - certains chapiteaux qui, comme à Sidi Abderrahmane, sont nettement saadiens ; - la décoration sur plâtré, peu profonde, toujours très découpée, accueillante dans toutes les villes sauf à Alger aux influences moresques; - l'ébénisterie, spécialisée dans l'ornementation des auvents des portes, des balustrades de galeries; - quelques types de minarets, comme à Oran.

Importations étrangères : l'usage fréquent du marbre venu d'Italie, parfois rehaussé de pures acanthes grecques, et employé dans les escaliers, les fûts de colonnes, les chaires de mosquées; - la céramique des revêtements, avec faïences d'Italie, de Sicile, de Tunis, de Delft, de Marseille, d'Espagne, voire d'Asie Mineure et même de Perse; quelques sculptures sur bois, comme celles de l'ancienne porte de la mosquée Katchaoua où l'inspiration d'outre-Méditerranée est flagrante; - une forme spéciale d'arcature, " l'anse de panier " et " l'accolade " dont le type a été relevé dans l'architecture balkanique du XVIIème siècle; les colonnes, d'importation italienne pour la plupart, cylindriques, octogonales, cannelées en spirales; - les chapiteaux à croissant, encore italiens, peut-être calqués sur des modèles tunisiens, toute l'architecture religieuse algéroise; - certains motifs de stuc des palais et maisons de la capitale; - la végétation décorative, de plus en plus luxuriante, où apparaissent des fleurs persanes.
      


Tipaza, entre ses fenouils et ses lentisques, nous a révélé l'art romain. Tlemcen, sous ses oliviers, garde ses richesses moresques. C'est maintenant Alger, odorante d'aloès et de jasmins, qui concentre toute la civilisation turque.

Comme ces hommes de guerre, ces reîtres moustachus ont savouré les délices de la Ville Blanche! Nul plus qu'eux n'admira la lumière diamantine, les courbes de Mustapha, ces collines dodues qui s'étirent au soleil avec une volupté frémissante. Certains jours, c'est le parfum des matins de France. Plus tard, au seuil de l'été, l'air a un goût charnel. L'herbe que vous foulez exhale des odeurs sexuelles. Et comment peindre le bleu mouvant des aloès, le ciel riant, les jeux d'éventail des vagues sur la plage! Tout s'amollit dans la douceur de vivre. Le temps coule léger et vaporeux, avec un frôlement de brise. Les Turcs l'avaient bien senti. Ils passèrent ici des jours inoubliables. Leur art a donné à l'heure mobile une grâce de lumière fléchissante. Ils ont couronné de roses blanches les collines du Sahel. Leurs fraîches maisons, leurs joyeuses faïences, la chanson de leurs jets d'eau font un peu oublier les brutalités de la coursé. Il leur sera beaucoup pardonné, parce qu'ils ont beaucoup aimé Alger.

Fig. 62. - Maison rurale turque. Le Palais d'Eté du Gouverneur général. Aspect actuel.
 
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