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" Art d'écumeur de mers
", c'est le mot qui définit le mieux l'esthétique turco-maghrébine.
Pour la comprendre, il faut chasser les nobles visions de
l'art moresque, et se rendre compte qu'il s'agit ici dune
facture moins aristocratique, mêlée, composite, souvent
incohérente, sans hautes prétentions artistiques, mais
charmante et pittoresque si nous savons la reporter dans son
moment historique et social. |
L'apport étranger
est considérable, mais le legs de la tradition reste notable.
Réminiscences du passé. l'arc en fer à cheval brisé,
employé dans les galeries, dans les mosquées; - certains
chapiteaux qui, comme à Sidi Abderrahmane, sont nettement
saadiens ; - la décoration sur plâtré, peu profonde,
toujours très découpée, accueillante dans toutes les villes
sauf à Alger aux influences moresques; - l'ébénisterie,
spécialisée dans l'ornementation des auvents des portes, des
balustrades de galeries; - quelques types de minarets, comme
à Oran.
Importations étrangères : l'usage fréquent du marbre venu
d'Italie, parfois rehaussé de pures acanthes grecques, et
employé dans les escaliers, les fûts de colonnes, les
chaires de mosquées; - la céramique des revêtements, avec
faïences d'Italie, de Sicile, de Tunis, de Delft, de
Marseille, d'Espagne, voire d'Asie Mineure et même de Perse;
quelques sculptures sur bois, comme celles de l'ancienne porte
de la mosquée Katchaoua où l'inspiration d'outre-Méditerranée
est flagrante; - une forme spéciale d'arcature, " l'anse
de panier " et " l'accolade " dont le type a
été relevé dans l'architecture balkanique du XVIIème
siècle; les colonnes, d'importation italienne pour la
plupart, cylindriques, octogonales, cannelées en spirales; -
les chapiteaux à croissant, encore italiens, peut-être
calqués sur des modèles tunisiens, toute l'architecture
religieuse algéroise; - certains motifs de stuc des palais et
maisons de la capitale; - la végétation décorative, de plus
en plus luxuriante, où apparaissent des fleurs persanes. |
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Tipaza, entre ses fenouils et ses lentisques, nous a révélé
l'art romain. Tlemcen, sous ses oliviers, garde ses richesses
moresques. C'est maintenant Alger, odorante d'aloès et de
jasmins, qui concentre toute la civilisation turque.
Comme ces hommes de guerre, ces reîtres moustachus ont
savouré les délices de la Ville Blanche! Nul plus qu'eux
n'admira la lumière diamantine, les courbes de Mustapha, ces
collines dodues qui s'étirent au soleil avec une volupté
frémissante. Certains jours, c'est le parfum des matins de
France. Plus tard, au seuil de l'été, l'air a un goût
charnel. L'herbe que vous foulez exhale des odeurs sexuelles.
Et comment peindre le bleu mouvant des aloès, le ciel riant,
les jeux d'éventail des vagues sur la plage! Tout s'amollit
dans la douceur de vivre. Le temps coule léger et vaporeux,
avec un frôlement de brise. Les Turcs l'avaient bien senti.
Ils passèrent ici des jours inoubliables. Leur art a donné
à l'heure mobile une grâce de lumière fléchissante. Ils
ont couronné de roses blanches les collines du Sahel. Leurs
fraîches maisons, leurs joyeuses faïences, la chanson de
leurs jets d'eau font un peu oublier les brutalités de la
coursé. Il leur sera beaucoup pardonné, parce qu'ils ont
beaucoup aimé Alger. |
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