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   du goût immodéré des Algériens pour la broderie. Venture qui était à Alger en 1789, suit attentivement les flux et reflux de la mode. " Les ceintures de soie souple, en or et en argent, sont un article de grande conséquence : on en fait des envois considérables dans la Berbérie et dans le
Levant ". Commerce important sans doute: l'auteur mentionne que l'amin taxait la vente. Mais Venture est de goût personnel; il ne prise pas la broderie algéroise : " elle est grossière et l'or seul en fait le prix ". Quelques années plus tard, en 1814, Pananti sera plus indulgent : " on fait cas, écrit-il, dans tout le nord de l'Afrique, des soies fines de la Régence pour les écharpes que les femmes sont dans l'habitude de porter ". Venture de Paradis, cependant expert en chiffons féminins, a été trop sévère. C'est Pananti qui a raison. La broderie algéroise a prospéré à l'époque turque et après 1830. Elle s'est répandue dans les principales villes de la Régence. Le capitaine Rozet, juge parfois sévère, se souvenait des fins haïcks brodés de Constantine, des " brodeurs sur étoffes qui travaillent " parfaitement ", des " beaux châles " qui se vendaient, encore en 1833, sur le marché de Koléa.
La broderie sur tissus légers, sur toile, sur étamine, a été dans la Régence un art d'une ténuité aérienne. C'est " la seule formule vraiment originale dont l'Algérie soit redevable à l'occupation turque " (Marçais). Le décor révèle des hérédités de Turquie, d'Anatolie, de Syrie et de Perse. Toutefois, la double petite croix d'or ou d'argent qui s'enlève sur les écharpes de gaze, vient probablement de Constantine. Les broderies algéroises se classaient suivant le point ou leur couleur: point granulé (meterha), point turc en carré (zeliledj), point en diagonale (maalka) ; la coloration était soit à dominante violette, avec de mouvantes diaprures roses, jaunes, bleues, soit à fond rouge et bleu avivé d'or, de bleu tendre, de jaune et de vert. Ce fut un art frissonnant, vaporeux et léger, tout en reflets et en nuances, tout en intimité féminine avec des chatoiements infinis. Il met sur l'Alger turque comme une brume d'aube flottante, que brodent les arabesques blondes du soleil.

CÉRAMIQUE ET POTERIE

A la Qalaa des Beni-Hammad, au XIème siècle, nous avons surpris l'éveil lointain de la céramique algérienne. L'art bougiotte, au XIIème siècle, s'en inspira largement. La nouvelle

      

capitale des Hammadites excella vite à la fabrication de la belle faïence à lustre d'or qu'elle exportait dans la Méditerranée Occidentale. N'a-t-on pas trouvé sur l'inventaire d'une pharmacie de Gênes, en 1312, des " faïences dorées " de Bougie?.

 
Fig. 67. - Amphore kabyle.
Tlemcen fut fastueuse et prodigue en céramique. Au XVIème siècle, Haëdo parvient à entrer dans certains intérieurs algérois: ils sont " pour la plupart ornés sur leurs parois de carreaux de faïence de diverses couleurs ". Toutefois, l'importation étrangère finit par triompher. Venture de Paradis voit des " carreaux de belle faïence émaillée et peinte de diverses couleurs " ; mais " on tire ces carreaux de Tunisie et d'Espagne ". Ils venaient aussi de France, d'Italie et de Delft. Ceux de Tunis étaient à dominante verte, bleue, violette; ceux d'Italie à fond jaune
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