Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 6 Art Antique et Art Musulman en Algérie Pages suivantes
118 Table des matières - 119 -
   
  
La bijouterie algéroise, hospitalière à toutes les techniques, puisa largement dans le catalogue français et italien Elle s'affranchit vite des influences du terroir. Surtout pratiquée, à l'époque d'Haëdo, par des juifs livournais et espagnols, elle illustra les colliers de motifs venus de l'Europe. Elle enchâssa dans l'or douteux de la bague le faux diamant d'Italie.
 
Fig. 68. - Bijoux berbères. Elle cisela sur l'argent des tulipes génoises. Et le métier, certes, dut être fructueux : le Tachrifat mentionne " un amin directeur de la monnaie... chargé de la surveillance de la corporation des bijoutiers et des orfèvres entièrement composée de juifs ".
La bijouterie kabyle, avec ses boutons de corail, ses pendeloques, ses filigranes, ses émaux cloisonnés bleu clair, bleu foncé, ocres, verts ou jaunes, avait conservé sa note rustique et barbare. Encore n'est-ce là aussi, peut-être, qu'une réminiscence : M. G. Marçais rapproche le bijou berbère des émaux trouvés dans les fouilles d'Andujar...


LA DINANDERIE ET LA DAMASQUINERIE

Ont-elles été prospères au moyen âge ? Si l'on en croit Yahia Ibn Khaldoun, traduit par M. Alfred Bel, Abou Hamou, roi de Tlemcen; reçut en 1359 des messagers de Nédroma, d'Oudjda, de Honaïn. Il leur remit des " armes incrustées de pierres précieuses ou d'argent ".

      

Sous la Régence, Venture de Paradis décrit des " yatagans avec un manche orné de pierres précieuses et un fourreau garni en argent ou en or ". Les fusils étaient " incrustés de nacre, de pierres précieuses, de perles et de corail ".
La dinanderie algérienne emprunta d'abord ses modèles au Maroc et à l'Espagne, puis à l'Italie. Ses centres de fabrication étaient Alger, Bou-Saâda, Laghouat et Boghar. On y ciselait des aiguières avec support et bassin, des plateaux, des braseros, des sucriers. etc... L'infatigable capitaine Rozet constate " que les armuriers font des lames " de sabre et de yatagan assez estimées; ils montent les fusils et font aussi les batteries; mais les canons qu'ils emploient venaient de Smyrne ". Les artisans algériens n'atteignirent en aucun moment la perfection et la vive originalité des artistes de Fez et de Tunis. Le style resta pauvre et gauche. Il devint prétentieux dès l'arrivée des premiers cuivres syriens. Le ciseleur voulut pratiquer l'audacieuse décoration d'Asie Mineure. Son burin ne parvint que rarement à s'assouplir. Il tomba dans le " poncif ", dans l'article pour touristes, dans la banalité molle et contournée. La spirale de Damas vint ramper sur le cuivre algérien; elle s'enroula dans des feuillages persans. Quelle faute Pourquoi tant céder à la mode étrangère ? La petite vipère d'Afrique qui détend son arc en éclair vif, est autrement décorative.
Résumons: sauf la broderie restée vivante, les arts mineurs ont suivi le sort même de la ville d'Alger. Très prospères au XVIIème siècle, ils entrent en décadence au XVIIIème, de même que la course périclite et que la capitale se vide. Le Père Dan, en 1634, évaluait la population d'Alger à 100.000 âmes. En 1798, Venture de Paradis n'y trouve plus que 50.000 habitants. Les exportations s'étaient lentement taries. A la veille de notre débarquement, la balance commerciale se chiffrait par 1.200.000 dollars à l'importation et 273.000 seulement à l'exportation (Lespès).

Après 1830

Rien, ont écrit les Goncourt, n'entend autant de sottises qu'un tableau. Si: un tapis d'exposition. L'amateur disert qui, dans un cercle de dames, s'extasie sur un tissage berbère, déplore la décadence des " arts indigènes " entre 1830 et 1880. Il néglige d'ajouter que, durant cette période, la colonie a traversé une profonde crise de croissance. Ce

 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes