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   employait volontiers le type corinthien. Voici le bâtiment principal, avec une abside où s'érigent les statues d'Hygie, protectrice de la Santé, d'Esculape, le dieu de l'art médical. Voilà le dallage de pierre rousse, le marbre rouge strié de blanc des parvis. Et l'épistolier s'attarde aux petites chapelles accolées au corps principal. " Entre bon, sors meilleur ", porte en inscription l'une d'elles; les autres sont consacrées à Diane, à Sylvain, à Apollon. Le temple d'Esculape n'est pas seulement fertile en oracles; on y suit des traitements médicaux et rien, baignoires, fourneaux, hypocaustes, n'a été négligé pour seconder et faciliter l'œuvre du Guérisseur divin.

Nous parvenons à la fin de l'épître. L'architecte marque sa préférence pour le Capitole de Timgad.
" Vous n'ignorez pas, écrit-il, qu'il vient d'être restauré (en 365) sur les ordres de Publilius Cacionius Caecina Albinus, propréteur glorieux de la Numidie, qui réprima plusieurs révoltes. Le monument a été, comme il convient, dédié à la divine triade capitoline, à Jupiter, Très Bon et Très Grand, à Junon Reine et à Minerve qui garantissent à tout jamais l'éternité de l'Empire. Car, vous le savez, les oracles ont promis à Rome de durer autant que les siècles. Le Capitole construit à Thamugadi exhausse la supériorité de la loi romaine qui domine le monde... " Ainsi aurait conclu l'architecte.

De fait, le Capitole de Timgad (fig. 8), auquel on accédait par 38 marches, dominait la ville entière. Il s'étalait sur une superficie de 53 mètres de long et 23 de large. Il avait six colonnes frontales. " Les fûts cannelés, formés de huit tambours, mesurent 11 m. 77; les chapiteaux corinthiens, faits de deux morceaux superposés, ont 1 m. 58 de hauteur. Ils portaient un riche entablement " (Gsell).

Il ne faudrait pas, après ce rapide défilé des temples, croire à une religion comme celle de la cité antique. Et d'abord, la civilisation de l'époque était accueillante à tous les dieux. Le héros d'Anatole France exprime déjà au ter siècle cet éclectisme de la foi: " Vous le savez, chers amis, ce n'est pas assez de souffrir toutes les religions; il faut les honorer toutes, croire que toutes sont saintes, qu'elles sont égales entre elles par la bonne foi de ceux qui les professent, que, semblables à des traits lancés de points différents vers un même but, elles se rejoignent dans le sein de Dieu. "
       En Afrique tous les cultes se mêlent. Le panthéon romano-berbère est une cour des miracles, une énorme mascarade de dieux. Les divinités carthaginoises y coudoient Jupiter; Mars, adoré par les vétérans, courtise Tanit devenue la déesse Céleste; Mercure. vénéré des négociants et des marchands d'huile, le dispute à Baal que, maintenant, on glorifie sous le nom de Saturne. Les nymphes ont pu se plonger dans les sources des bois : elles n'ont pas chassé les anciens génies.  
Fig. 8. - TIMGAD : Le Capitole
La naïade cohabite avec un obscur sorcier. Pan, dans la forêt de cèdres et de thuyas, ne règne que sur un étroit canton; à côté persistent des cultes étranges, venus de la préhistoire. En face de l'Olympe, sommet du paganisme grec, l'Ouarsenis (Ancorarius), cime de l'anthropolâtrie berbère, abrite toujours ses dieux. Ceux de Perse et de Syrie vont à leur tour envahir l'Afrique. Ils formeront l'avant-garde du Nazaréen. Mais tous vivent en bonne harmonie. " Il y a, chez les gens du peuple, l'idée que plus on adore de divinités, plus on s'assure de protecteurs... Dans cette abondance de cultes, chaque localité, chaque personne a ses dévotions spéciales, mais prend part aussi aux dévotions des autres, ou du moins les regarde avec sympathie " (Albertini).
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