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   les canons classiques se sont ici quelque peu déformés ; certains chapiteaux corinthiens n'ont qu'une unique rangée d'acanthes, au lieu de deux (théâtre de Philippeville), ou ils se réduisent à deux moulures et à un gros bourrelet fleuri d'acanthes (Timgad). L'acanthe poursuivra, dans l'art de l'Algérie, sa destinée prodigieuse. Mais déjà, dès le me siècle, elle s'ossifie; son contour et ses reliefs s'amaigrissent. La sculpture ne se hasarde plus aux fortes saillies elle réduit au minimum la troisième dimension.

La mosaïque. - La mosaïque a connu, en Afrique du Nord, une belle floraison.

Art délicat, charmant : les Romains lui demandaient d'orner leurs palais. La Bataille d'Arbelles ou d'Issus, trouvée à Pompéï dans la maison du Faune, est justement célèbre. Le mosaïste, d'ailleurs, était un véritable artiste " la mosaïque était pictura de musivo ".
C'est en Afrique du Nord, que les spécimens les plus nombreux ont été découverts. Le Berbère latinisé veut donner à sa vie privée un cadre luxueux. Puis, le pavement en mosaïque permet le lavage à grande eau : ainsi on noie la poussière, on rafraîchit les salles que surchauffe le dur soleil numide. Enfin, le pays lui-même fournissait avec abondance la matière première :
      

marbres roses, orangés, verts, azurés, bruns, onyx blanc rosé que donnent encore les carrières d'Algérie.
Le dessin est quelquefois gauche, souvent incorrect. Mais la coloration reste harmonieuse et élégante; la palette est opulente, suffisamment nuancée; la conception a des paradoxes singuliers; elle se réalise en audaces de lumière et d'ombre que M. Marçais a rapprochées de la hardiesse de quelques maîtres modernes. Le seul défaut, à notre sens, est le dédain de la réalité précise et du détail. Alors que ses confrères romains ont souvent usé de moyens d'expression qui rendent les aspects mouvants de la vie, le mosaïste de ce pays n'a pas senti l'originalité de l'ambiance africaine. Il fait de l'art officiel. Il est un homme d'école, un bon élève, zélé, circonspect, rien de plus. Il s'évade rarement du conservatoire mythologique à la mode: tête d'Océan avec quatre néréides sur des dauphins - l'hiver .et une néréïde - un sanglier - encore une tête d'Océan et deux Néréides sur des hippocampes - un pugiliste tenant une palme - les trois Grâces - buste de Bacchus couronné de lierre, etc... L'inspiration manque de réalisme local, ou pour tout dire, de vision, d'équation personnelles. Quelquefois seulement, l'artiste s'est affranchi de l'imitation d'école un panneau découvert à Cherchell, et transporté à Alger, représente le cheval Mucosus, favori de la faction des Verts. Les " Captifs " de Tipaza révèlent, avec des creux d'ombre saisissante, l'âpreté de la physionomie berbère (fig. 10)., Les mosaïques de l'Oued Atménia furent aussi, prises sur le vif, des images de l'existence rurale.

La statuaire

Avouons-le: sauf de rares exceptions, sauf à Cherchell, la statuaire africaine resta de valeur moyenne. Bien qu'elle prodiguât ses sujets - statues de dieux dans les temples, d'empereurs sur les forums ou divers édifices, de magistrats municipaux ou de particuliers - elle ne paraît guère s'être élevée beaucoup au-dessus de la production courante de l'époque. Elle tomba même dans la création mercantile. M. Marçais a signalé des statues d'empereurs " dont le torse et les membres étaient achevés d'avance et dont la tête était sculptée suivant les besoins du moment. " Il y eut cependant de belles oeuvres : une statue de dame romaine (Palais de la subdivision de Constantine), têtes d'Hadrien et d'Agrippine à Philippeville,

 
Fig. 10. - Mosaïque des Captifs
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