Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 6 Art Antique et Art Musulman en Algérie Pages suivantes
- 38 - Table des matières - 39 -
   
    

ART CHRÉTIEN

 

Suivons l'excellente classification de M. Gsell :

- les églises proprement dites, à l'usage du culte, généralement bâties à la lisière des villes et des bourgs. Cette situation excentrique s'expliquerait par la crainte de braver, au cœur de la cité, les cultes officiels. La même agglomération contient plusieurs églises: c'est qu'à côté de l'édifice catholique s'érige le temple donatiste. La multipli­cation des basiliques n'est pas, comme l'ont pensé certains apologistes enthousiastes, un signe de ferveur: elle révèle la passion de la querelle théologique, la fureur anarchique berbère qui, en face du dogme orthodoxe, dresse le monument de la doctrine dissidente;
- les chapelles destinées à recevoir des reliques. Le nombre en devint si fréquent que l'autorité ecclésiastique s'alarma: lointaine manifestation de cette anthropolâtrie africaine qui, encore de nos jours, sème à la volée, sur les collines, les koubbas vouées aux saints de l'Islam;
- les oratoires indépendants avoisinant soit les monastères, soit les habitations privées;
- les baptistères;
- les chapelles bâties sur le corps des martyrs, comme celle de Sainte-Salsa, à Tipaza. Saint Augustin a parlé de l'Afrique « pleine du corps béni des martyrs ».

Le monument de l'Église africaine se trouve généralement orienté de l'ouest à l'est, le presbyterium au levant, la façade au couchant. Cette règle paraît avoir été scrupuleusement observée. Le type le plus répandu est de forme rectangulaire. « Il est rare qu'une cour à portique précède l'église. Plus souvent, une galerie simple ou un vestibule fermé s'étend le long de la façade. Cette façade est percée d'une porte centrale que flanquent parfois deux autres portes plus petites. Elles sont surmontées de linteaux droits. D'après un dispositif fréquent dans les temples païens d'Afrique et les édifices syriens, un évidement en demi-cercle forme souvent décharge au-dessus du linteau. Cette lunette, comme les autres fenêtres, devait être garnie 

      

par une dalle de pierre ajourée et sculptée. D'autres portes placées sur les côtés donnent ainsi accès dans l'intérieur du temple » (Marçais).

Comme décoration ornementale, l'église nord-africaine est une anthologie quand elle n'est pas un plagiat. On a emprunté aux monuments voisins, tombés en ruines, les socles de statues, les entablements, les colonnes, les chapiteaux. Leporius, prêtre d'Hippone, pour construire un édifice, acheta une maison dont il utilisa les matériaux. C'est là, on l'a vu, procédé familier aux Byzantins. Pourquoi se donner les soucis de l'invention esthétique, quand des milliers de motifs, de fûts, des métaphores de pierre, des sculptures agonisantes, gisent là sur le sol, parmi les lentisques et les palmiers nains ? Il faut faire vite, bâtir vite: les conversions se multiplient; les donatistes, pressés d'humilier la basilique catholique, ont hâte de la doubler d'un temple de leur foi. Qu'importent la banalité des motifs. les anachronismes de stylet les incohérences et les solécismes du détail ! Qu'importe que le monument ne se libère pas de la matière, qu'il s'enlève d'un essor pénible, qu'il rampe sur cette glaise africaine qui l'englue et l'emprisonne ! Le prosélytisme ne raffine pas sur la ciselure d'une acanthe; sa mission est de tirer les âmes du paganisme; son royaume n'est pas de ce monde gréco-romain qui s'éblouit des sourires et des grâces d'Isis.

Aussi, l'architecte, l'ornemaniste chrétiens, malgré leur zèle si respectable, restent-ils de main assez lourde. La colonne trouvée dans l'herbe et qui soutint peut-être une attique d'inscription hautaine, est aussitôt mutilée pour entrer dans le nouvel édifice; si elle est trop courte, on lui adjoint un piédestal postiche, ou bien on la coiffe d'un chapiteau déformé, tel un vieux mendiant à qui l'on jette un pétase ; si elle est trop grêle, si elle se brise, vite la béquille d'un support en maçonnerie. Les chapiteaux chrétiens accueillent tous les ordres: la forme ionique devient en faveur. Mais les volutes alourdissent leur courbe et perdent leur idéalité. Le corinthien du temple algérien déforme l'acanthe, l'amaigrit, anémie le relief.

L'ornementation des surfaces emploie des décors que l'on peut répartir en trois groupes. D'abord, les dernières survivances de la filiation païenne, mais déjà de sang pauvre et de muscle débile: l'acanthe sans inflexions profondes, les rosaces sans rayonnement, les rinceaux sans luxuriance. Les éléments du groupe chrétien ensuite, gauches, maladroits. le poisson, la vigne s'étirant paresseusement du calice, des figures ailées symbolisant les Evangélistes, les monogrammes

 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes