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ART CHRÉTIEN
Suivons l'excellente classification de M. Gsell :
- les églises proprement dites, à l'usage du culte, généralement
bâties à la lisière des villes et des bourgs. Cette situation
excentrique s'expliquerait par la crainte de braver, au cœur de la
cité, les cultes officiels. La même agglomération contient
plusieurs églises: c'est qu'à côté de l'édifice catholique
s'érige le temple donatiste. La multiplication des basiliques
n'est pas, comme l'ont pensé certains apologistes enthousiastes, un
signe de ferveur: elle révèle la passion de la querelle
théologique, la fureur anarchique berbère qui, en face du dogme
orthodoxe, dresse le monument de la doctrine dissidente;
- les chapelles destinées à recevoir des reliques. Le nombre en
devint si fréquent que l'autorité ecclésiastique s'alarma:
lointaine manifestation de cette anthropolâtrie africaine qui,
encore de nos jours, sème à la volée, sur les collines, les
koubbas vouées aux saints de l'Islam;
- les oratoires indépendants avoisinant soit les monastères, soit
les habitations privées;
- les baptistères;
- les chapelles bâties sur le corps des martyrs, comme celle de
Sainte-Salsa, à Tipaza. Saint Augustin a parlé de l'Afrique «
pleine du corps béni des martyrs ».
Le monument de l'Église africaine se trouve généralement orienté
de l'ouest à l'est, le presbyterium au levant, la façade au
couchant. Cette règle paraît avoir été scrupuleusement
observée. Le type le plus répandu est de forme rectangulaire. «
Il est rare qu'une cour à portique précède l'église. Plus
souvent, une galerie simple ou un vestibule fermé s'étend le long
de la façade. Cette façade est percée d'une porte centrale que
flanquent parfois deux autres portes plus petites. Elles sont
surmontées de linteaux droits. D'après un dispositif fréquent
dans les temples païens d'Afrique et les édifices syriens, un
évidement en demi-cercle forme souvent décharge au-dessus du
linteau. Cette lunette, comme les autres fenêtres, devait être
garnie
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par une dalle de pierre ajourée et sculptée. D'autres portes placées sur
les côtés donnent ainsi accès dans l'intérieur du temple » (Marçais).
Comme décoration ornementale, l'église nord-africaine est une anthologie
quand elle n'est pas un plagiat. On a emprunté aux monuments voisins, tombés
en ruines, les socles de statues, les entablements, les colonnes, les
chapiteaux. Leporius, prêtre d'Hippone, pour construire un édifice, acheta
une maison dont il utilisa les matériaux. C'est là, on l'a vu, procédé
familier aux Byzantins. Pourquoi se donner les soucis de l'invention
esthétique, quand des milliers de motifs, de fûts, des métaphores de
pierre, des sculptures agonisantes, gisent là sur le sol, parmi les
lentisques et les palmiers nains ? Il faut faire vite, bâtir vite: les
conversions se multiplient; les donatistes, pressés d'humilier la basilique
catholique, ont hâte de la doubler d'un temple de leur foi. Qu'importent la
banalité des motifs. les anachronismes de stylet les incohérences et les
solécismes du détail ! Qu'importe que le monument ne se libère pas de la
matière, qu'il s'enlève d'un essor pénible, qu'il rampe sur cette glaise
africaine qui l'englue et l'emprisonne ! Le prosélytisme ne raffine pas sur
la ciselure d'une acanthe; sa mission est de tirer les âmes du paganisme; son
royaume n'est pas de ce monde gréco-romain qui s'éblouit des sourires et des
grâces d'Isis.
Aussi, l'architecte, l'ornemaniste chrétiens, malgré leur zèle si
respectable, restent-ils de main assez lourde. La colonne trouvée dans
l'herbe et qui soutint peut-être une attique d'inscription hautaine, est
aussitôt mutilée pour entrer dans le nouvel édifice; si elle est trop
courte, on lui adjoint un piédestal postiche, ou bien on la coiffe d'un
chapiteau déformé, tel un vieux mendiant à qui l'on jette un pétase ; si
elle est trop grêle, si elle se brise, vite la béquille d'un support en
maçonnerie. Les chapiteaux chrétiens accueillent tous les ordres: la forme
ionique devient en faveur. Mais les volutes alourdissent leur courbe et
perdent leur idéalité. Le corinthien du temple algérien déforme l'acanthe,
l'amaigrit, anémie le relief.
L'ornementation des surfaces emploie des décors que l'on peut répartir en
trois groupes. D'abord, les dernières survivances de la filiation païenne,
mais déjà de sang pauvre et de muscle débile: l'acanthe sans inflexions
profondes, les rosaces sans rayonnement, les rinceaux sans luxuriance. Les
éléments du groupe chrétien ensuite, gauches, maladroits. le poisson, la
vigne s'étirant paresseusement du calice, des figures ailées symbolisant les
Evangélistes, les monogrammes
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