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d'autre part, art rural, art utilitaire, art mineur. L'étude du
décor est encore plus significative. L'art hispano-moresque se
ressent de l'opulente Andalousie: il est somptueux, de chair riche,
d'arabesques qui ont le galbe frissonnant d'une femme. L'art
berbère est déchiqueté et aigu comme un aloès. Sèche, osseuse,
décharnée, sa silhouette se profile en angles. Il sera surtout
rectilinéaire. Il ne maniera que rarement la courbe. Dans le
répertoire géométrique, ses notes favorites seront le chevron, le
triangle, le losange, les quadrillages. Et par lui s'exprime toute
une race, celle de ces paysans à pommettes saillantes: aux jarrets
de fer, aux lèvres crispées qui, sur un piton du Djurdjura où ils
transporteront ensuite l'humus, pierre à pierre construisent leur
champ. En somme, l'art arabe, en passant en Espagne, a simplifié
ses thèmes favoris. Avec la formule hispano-moresque, il gagne en
surface ce qu'il perd en profondeur; il s'enrichit de détails et
s'appauvrit en types. La facture berbère le réduit à des schèmes
essentiels, allusifs, dépouillés, comme l'ossature de ces
montagnes kabyles où la terre végétale a peu à peu disparu.
Tels sont l'art arabe, hispano-moresque, berbère. Dans les grandes
lignes seulement, car à cette esquisse rapide nous apporterons en
cours de route de légères retouches. C'est ainsi que jusqu'à la
fin du XIIème siècle, l'hispanomoresque a exécuté quelques
représentations animées; et il y a également dans le berbère
autre chose que l'angle ou la ligne droite. Mais il fallait d'abord
grouper les idées en résumés sommaires. Nos définitions
provisoires éclateront çà et là par la suite, comme des habits
étriqués que déborde la vigoureuse croissance d'un corps. L'art
et la vie s'évadent des formules. Ils répugnent à nos
classifications. Et les mots où nous les enfermons ressemblent à
ces amphores poreuses, précieuses aux Basques et aux Kabyles, d'où
l'eau prisonnière finit goutte à goutte par s'enfuir. |
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