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supportent sont coiffées de chapiteaux qui réalisent un grand
progrès pour l'époque: meilleure coordination des éléments
(tailloir bien lié au reste, fût se fondant plus harmonieusement
dans le chapiteau), accentuation des reliefs, chaleur de l'invention
ornementale toute en méandres, volutes d'angles, festons floraux,
entrelacs géométriques.
Le chapiteau de chacune des deux colonnes d'onyx étale une
inscription glorifiant le Sultan Abou-Lhassen qui les fit exécuter.
L'une d'elles porte: « Ce qu'il a ambitionné, c'est de se rendre
agréable au Dieu tout-puissant et il espère en sa récompense
magnifique. Que Dieu, à cause de cette oeuvre, daigne lui réserver
ses grâces les plus efficaces et lui donne la place la plus haute.
»
Le minaret, d'un galbe élégant, est remarquable à deux points de
vue: la délicatesse linéaire des réseaux qui garnissent les
façades (arcade festonnée continuée par une série d'arcs
brisés, composant des octogones curvilignes allongés et
déformés) -- parfois, palme trilobée; en outre, surtout au
sommet, l'éclat de l'incrustation céramique, dans une frise en
mosaïque toute scintillante de belles étoiles à vingt-quatre
pointes. Sur la face ouest, traces d'ornements peints en brun rouge.
Le décor de la salle de prières est géométrique, floral et
épigraphique.
Géométrique : peu important, sauf sur le minaret.
Floral: les types foliacés se simplifient encore alors que la
tige croît et meuble les vides. Mais le tout est traité avec une
virtuosité, une science des rythmes décoratifs, un sens de
l'orchestration sculpturale qui confondent et éblouissent. Nous
sommes en pleine maturité de l'arabesque, minée, lisse sans
doute, mais d'un envol extraordinaire. Elle s'enroule, se déroule,
s'élance, se tord à nouveau, enlace les panneaux, dans un
mouvement de ferveur incomparable.
Épigraphie: très développée sur le décor de plâtre. Beaux
spécimens de cursif andalou. Du koufique fleuri, enguirlandé
d'arabesques et dont les hautes lettres, les alif, les lam,
les kaf partent comme de longues fusées verticales qui
éclatent en pluies de fleurons et d'étoiles, C'est « l'âge d'or
» de cette écriture hiératique qui, à partir du XVème siècle,
entrera en décadence.
A signaler, à titre tout à fait exceptionnel dans la décoration
épigraphique maghrébine, un exemple de koufique quadrangulaire :
les lettres allongées en rectangles s'assemblent en un carré que
l'on prendrait pour un simple motif géométrique (fig. 41). |
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La médersa d'El-Eubbad
La Médersa est, en pays d'Islam, une école de théologie, de droit
coranique, de jurisprudence. C'est ici que l'on étudie la philosophie et la
science musulmane. Renan a raillé avec beaucoup de douceur la métaphysique
arabe. Est-elle vraiment si méprisable ? Disons que nous avons perdu le sens
théologique. L'Islam a eu ses grands docteurs, subtils et embrouillés comme
les nôtres. Son Ghazali, entre autres, reste considérable. Il fut le plus
beau drame intellectuel de son temps. Figure grave, douloureuse, nostalgique
où l'âpre renoncement pascalien se tempère déjà des mélancolies d'un
Jouffroy...
La Médersa d'El-Eubbad, terminée en 747 (1.347 de J.-C.), est, comme la
Mosquée, un hommage à la mémoire de SidiBoumédine. Portail en arc
outrepassé inscrit dans deux rectangles de mosaïque et de losanges
festonnés. Un auvent protège le porche. Cour à galeries: celles de droite
et de gauche sont flanquées chacune de six chambres d'étudiants; quatre
autres chambres à l'est. Ces cellules ont 2m85 sur 2m.
Un premier étage répète cette disposition. La salle de prières, qui
servait également pour le cours des professeurs, était couverte d'une
coupole en bois, restaurée à l'époque turque. L'ornementation, dont il ne
reste que quelques fragments, s'apparentait à celle de la mosquée voisine.
Mosquée de Sidi-Lhaloui
Un cadi andalou quitte soudain sa ville natale. Est-il écœuré de l'argutie
juridique ? Veut-il échapper à la mollesse sévillane ? Fuit-il le
désenchantement d'un grand amour brisé ? Peu importe. Le voici à Tlemcen.
Son mysticisme cocasse séduit la plèbe. En ratiocinant sur l'éternel, pour
vivre, il vend des gâteaux. A ce commerce, il gagne un surnom: El-Haloui.
Hélas! que ne reste-t-il dans le beignet frit à l'huile!
Mais l'ambition est le démon des saints. Elle l'attire à la cour. Il y perd
sa tête, non par métaphore, mais sur le billot. Au delà des remparts, on
jette aux chiens son cadavre. Miracle ! quand à la chute du jour, le veilleur
de nuit clame qu'il va fermer la porte Bab-Ali, il entend la voix du pauvre
Sidi Lhaloui « Gardien, gardien, ferme ta porte! Il n'y a plus personne
dehors, personne, sauf Sidi-Lhaloui, Sidi Lhaloui l'opprimé l »
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