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le cheptel multiplié et amélioré produira en grande quantité la
laine et les peaux. Défalcation faite des fortes quantités qui
seront retenues pour la consommation locale, c'est tout de même
300.000 tonnes de marchandises que le transsaharien exportera vers
l'Algérie et vers la France.
Le transsaharien ne sera pas seulement alimenté par ce trafic de
marchandises du Sud au Nord (auquel on n'a pu ajouter celui que
pourrait un jour fournir l'embranchement du Niger au Tchad et au
delà, difficilement estimable à l'heure actuelle). Du Nord au Sud
le transsaharien transportera un tonnage de marchandises
sensiblement égal : les produits algériens et métropolitains
nécessaires à la vie économique du Soudan, outillage industriel,
matériaux de construction, les divers objets manufacturés
(cotonnades, quincaillerie), les produits d'épicerie et de
droguerie que les indigènes ne manqueront pas d'acheter à nos
comptoirs avec le produit de leur travail. Il faut également
compter sur les produits sahariens, lés dattes des oasis dont les
Soudanais sont très friands, et le sel qui sera facilement fourni
par l'inépuisable montagne de sel d'El-Outaya près de Biskra à
raison de 60.000 tonnes annuellement, quantité nécessaire à
l'alimentation de toute l'Afrique Occidentale.
Le trafic des voyageurs sera constitué par les colons, les
commerçants, les fonctionnaires et, en grand nombre certainement,
les touristes, enfin les ouvriers agricoles qui viendront faire les
récoltes alternativement en Algérie et au Soudan.
Qu'on ne nous objecte pas que marchandises et voyageurs auraient
encore intérêt à utiliser, depuis le Niger jusqu'à la
Métropole, la voie actuelle qui comporte un trajet en chemin de fer
de Koulikoro à Dakar et un trajet maritime de Dakar à Bordeaux. La
nouvelle voie directe par le transsaharien, puis par bateau d'un
port algérien à Marseille, aura sur l'autre un double avantage :
elle sera, à considérer les tarifs proposés, beaucoup moins
chère ; elle sera en outre plus rapide : pour les voyageurs, le
trajet s'effectuera en quatre jours au lieu de trois semaines par
Dakar, le Thiès Niger et le fleuve Il faut remarquer que cette
comparaison est faite dans une hypothèse, à savoir que le chemin
de fer Koulikoro, Bamako, Kayes, Dakar puisse prendre en charge ce
trafic supplémentaire, ce qui n'est pas. Cette ligne établie à
voie unique d'un mètre, à rails légers, dans un pays montagneux
à rampes fortes, sur laquelle circulent des trains composés d'un
petit nombre de wagons, n'a qu'une capacité de transport limitée
qui déjà |
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maintenant n'arrive même pas, aux saisons des grandes
récoltes, à assurer l'évacuation des produits de l'arrière-pays
et souffre d'embouteillages très préjudiciables aux intérêts de
nos exportateurs. C'est un état de choses déplorable dont
l'Administration se préoccupe sérieusement; mais de son avis, il
n'y aurait de remède à ce mal que dans une réfection presque
complète de la ligne.
La leçon que nous donne ce chemin de fer, comme ceux d'ailleurs de
nos autres colonies africaines, ne doit pas être perdue. Pour le
transsaharien et ses prolongements on doit voir grand et voir loin,
et peur cela abandonner toute idée de voie étroite et prendre pour
base la voie normale, celle des longs parcours et des gros trafics,
dût-il en coûter davantage comme frais de premier établissement.
Si l'on fait le compte raisonné de tous les éléments de trafic du
transsaharien, on arrive à cette conclusion que, dix ans après la
mise en service, et en admettant, bien entendu, que le Soudan
produise, grâce à son apport, les fruits que la terre est prête
à nous donner, l'exploitation sera bénéficiaire de telle sorte
que, les frais de toutes sortes de l'exploitation ayant été
couverts, le capital engagé pourra être largement rémunéré.
Il ne faut pas en effet s'exagérer l'importance du coût de la
construction du transsaharien, de ses installations diverses (gares,
ateliers, etc...) et du matériel roulant nécessaire au trafic.
C'est une dépense qui est loin d approcher des. sommes
astronomiques dont certains ont parlé pour essayer de démontrer
l'impossibilité de l'entreprise. Même si l'on ajoute aux frais
totaux d'installation de la ligne proprement transsaharienne, ceux
de son prolongement nécessaire en amont du Niger jusqu'à Ségou,
et également ceux de l'embranchement prévu en direction du Tchad
jusqu'à Niamey en aval du Niger, c'est une dépense de l'ordre de
trois milliards et demi ou quatre milliards.
Lorsque les Français se seront bien pénétrés de l'intérêt de
l'entreprise, il ne sera pas impossible de trouver cet argent dans
notre pays par la voie de l'emprunt. On faisait fond depuis quelques
années sur l'aide que les prestations en nature pourraient nous
apporter, en réduisant dans une forte proportion cette
participation financière.
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