|
De la rapidité de ce triomphe dépendait la formation de l'art
arabe. Non seulement l'Arabie n'avait pas d'art, mais aucune
influence étrangère n'était arrivée jusqu'à elle. Il fallait
donc à la religion nouvelle répudier toute interprétation
artistique, ou demander à l'un des peuples qu'elle venait de
soumettre l'expression de ses aspirations.
Quand le christianisme qui, lui aussi, était né chez un peuple
anti-artiste, s'était répandu en Asie-Mineure, le paganisme grec,
quoique à son déclin, était encore le culte des pays soumis à
l'autorité romaine. Réduit plusieurs siècles à se réfugier dans
les catacombes, il n'avait pas un instant été la religion de la
Palestine : la direction de son mouvement avait échappé aux Juifs
pour passer aux Grecs; et insensiblement, malgré l'anathème jeté
à l'art par les Apôtres et ceux des Pères de l'Église qui, dans
cette haine première, avaient cru voir un dogme, un art chrétien
s'était constitué, qui avait emprunté à l'hellénisme ses
procédés et ses tendances, et qui plus tard, sous Constantin,
avait pu du jour au lendemain devenir l'art officiel de l'Orient. L'Islam,
vingt ans après son apparition, était la religion de l'Arabie
entière et son chef un souverain absolu.
Ainsi transplanté sans transition dans le milieu brillant où
l'art chrétien venait d'atteindre à l'apogée de sa richesse, son
premier mouvement avait été de s'en détourner avec horreur et de
repousser toute interprétation artistique, de même que le
christianisme juif s'était détourné de l'art païen et en avait
repoussé les principes. Mais l'instinct de l'ostentation est inné
chez l'Arabe, et, sous l'empire de cet instinct, il n'avait pas
tardé à vouloir attester son triomphe et celui de ses croyances
par des monuments semblables à ceux des peuples qu'il avait
vaincus.
Tant que dura la conquête, les chefs de l'Islam ne songèrent
même pas en effet à donner pour cadre aux cérémonies de leur
culte un édifice qui en incarnât la pensée.
|
|
|
|
La première église
venue est par eux convertie en mosquée. Il suffit pour cela de
couvrir les murs d'une couche de plâtre sous laquelle disparaisse
la croix et d'y marquer la direction du temple primitif de l'Islam,
la kaàbah de la Mekke.
Tant que dura la conquête, les chefs de l'Islam ne
songèrent même pas en effet à donner pour cadre aux
cérémonies de leur culte un édifice qui en incarnât la
pensée. La première église venue est par eux convertie en
mosquée. Il suffit pour cela de couvrir les murs d'une
couche de plâtre sous laquelle disparaisse la croix et d'y
marquer la direction du temple primitif de l'Islam, la
kaàbah de la Mekke. |
|
II. - LA KAABAH DE LA MEKKE. |
|
Une tradition pieusement
conservée par les Koreïschîtes rapportait qu'à l'origine
du monde, les anges avaient dressé dans le désert où
s'élève la Mekke la tente divine - la beït Allah; qu'au
déluge ils l'avaient enlevée en la tenant toujours
perpendiculairement dans le ciel et que dès lors elle
n'avait cessé d'y planer.
Puis, cette première légende,
se confondant à celle d'Aghar, se poursuivait
parallèlement à la légende judaïque et ajoutait que,
quelques siècles plus tard, Abraham, las des querelles de
ses deux femmes Sakhah et Aghar, conduisit cette dernière
et son fils Ismaël dans ce même désert et les y
abandonna.
" Aghar erra longtemps de colline en colline,
cherchant en vain une goutte d'eau. L'emplacement de la
beït Allah n'était plus qu'une roche rouge et aride. Elle
y parvint enfin, à bout de forces, et venait de s'y
affaisser quand l'ange Gabriel, envoyé par Allah, frappant
le sol de son aile, en fit jaillir une source, le puits de
Zem-Zem. " |
|
|