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   Aussitôt les Koreïschites s'assemblent et entreprennent d'en relever les ruines. Mais, tandis qu'ils avisent aux moyens de se procurer les ressources nécessaires à cette réédification, on vient leur annoncer qu'un navire s'est échoué sur la côte, non loin de la moderne Djeddah. Or, ce navire, l'historien El-Umany affirme qu'il venait d'Égypte et portait en Abyssinie les matériaux nécessaires à la reconstruction d'églises détruites quelques années auparavant par les armées de Kosroës, et qu'un architecte copte, nommé Dokhoun, se trouvait à son bord. C'était là pour les Koreïschîtes une riche aubaine : vite ils s'en emparent, transportent le butin à la Mekke et chargent Dokhoun de la restauration clé la kaàbah. Le premier soin du Copte fut de l'agrandir il lui donna dix-huit pieds de haut; mais, faute de moyens suffisants, ne put l'élargir proportionnellement à la hauteur qu'il lui avait donnée. A l'intérieur il plaça six colonnes de marbre, ménagea un escalier accédant à la terrasse et exhaussa l'ancien soubassement afin qu'il frit impossible de pénétrer dans l'édifice de plain-pied ". Tous les Koreïschîtes voulurent contribuer à l'œuvre, et Mahomet prit part à la tâche commune. Tout alla bien d'abord. Mais la mise en place de la pierre noire faillit soulever de nouveaux conflits. Chaque famille prétendit à l'honneur de la sceller dans la maçonnerie. D'un commun accord, il fut enfin décidé qu'on prendrait pour arbitre du différend le premier homme venant de la colline de Safa1 et se dirigeant vers la kaabah. Le hasard voulut que cet homme fût Mahomet. Il fit soulever les quatre coins de la pierre par les chefs des quatre principales familles et... la scella lui-même. Le reste s'acheva sans incident.

J'ai cru devoir rapporter ces détails, quelque puérils que certains d'entre eux paraissent, pour cette raison qu'ils nous montrent Mahomet se mêlant aux ouvriers de la kaàbah et prenant une part active aux travaux. Cet apprentissage architectural fait par le Prophète pouvait avoir une influence sur les dispositions des temples que bientôt il allait ouvrir aux adeptes de sa doctrine. 

    

 

   

Une chose est de plus à retenir de ce récit. L'architecte qui dans cet apprentissage est le maître de Mahomet est un Copte, un artiste de l'école d'Alexandrie, un des maîtres inconnus et méconnus de cette époque inconnue et méconnue, et dont la place est pourtant grande dans l'évolution de l'art religieux de l'Orient aux premiers siècles de la chrétienté.

Ce qu'était ce premier temple de l'Islam? Trop de remaniements l'ont modifié pour qu'il soit possible de l'établir d'une manière certaine. L'historien de la Mekke, Khalib-ed-Din, et les mémoires d'El-Azraky nous le représentent comme un édicule carré, à toit plat, mesurant dix-huit pas sur quatorze.

" La mosquée sainte, dit El-Azraky, n'avait pas de murs autour d'elle. Il y avait seulement des maisons de Koreïschîtes qui l'encastraient de tous côtés, et entre ces maisons des portes par lesquelles le peuple pénétrait. A l'époque du prince des fidèles, Omar, la sainte mosquée étant devenue trop étroite, celui-ci acheta une partie des maisons, les jeta bas et agrandit la mosquée de l'emplacement qu'elles occupaient. Cependant, comme plusieurs propriétaires avaient refusé de vendre, Omar fit évaluer le prix de leurs maisons qui furent enfermées dans l'enceinte de la kaàbah. C'est alors que le prince des fidèles ordonna de bâtir autour de la mosquée un mur de la hauteur moindre que celle d'un homme, et de placer des lampes dessus. Il y fit faire des portes analogues à celles qui existaient entre les maisons avant la démolition et les fit placer contre les anciennes. "

 

1. Les collines de Safa et de Maroua sont consacrées par la tradition de l'Islam. Selon elle, Aghar allait de l'une à l'autre à la recherche d'une source, et, aujourd'hui encore, les pèlerins qui se rendent à la Mekke font en courant le chemin qui les sépare en souvenir de cette légende. C'est ce qu'on nomme la Sàï - la course.

 
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