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   La Mekke reconquise, Abd-el-Melek en releva les portiques, leur donna un toit de sadj et mit aux chapiteaux de chaque colonne un revêtement d'or. C'était le premier pas vers la recherche de l'éclat du décor et de la richesse. El-Oualîd, fils d'Abd-el-Melek, imprima à cette évolution un essor extraordinaire si intense que, n'était la disparition des monuments de son règne, elle aurait pris rang parmi les étapes de l'art arabe.

A Jérusalem, il rebâtit d'abord la mosquée d'Omar et la couvrit d'un dôme de cuivre enlevé à une église de Bâalbek; de même que, quelques années auparavant, Mérouan avait fait couronner d'une coupole le sanctuaire qui, pendant sa lutte contre Abd-Allah (fig. 10), avait été la kaâbah rivale de la kaâbah de la Mekke. Faut-il voir là un courant artistique? Non, certes, car ces deux temples à coupole sont les seuls que, pendant les deux premiers siècles de l'hégire, on puisse citer; de plus, la kaâbah de Jérusalem, le dôme de la roche Koubbet-es-Sakhrah - n'a rien à voir avec la mosquée. C'est un monument commémoratif, qui n'a pour but que de préserver et de consacrer une place à laquelle se rattachent des souvenirs religieux1, et ses architectes furent des Grecs, de même que ceux au service d'El-Oualîd. Il ne représente donc point une manière de l'art arabe, mais une forme byzantine égarée dans l'Islam, et il faut croire que l'effet n'en fut pas heureux, puisqu'aucun artiste oriental ne songea à s'en inspirer. Puis, à Damas, le khalife se fit élever par ces mêmes Grecs une mosquée dont il ne nous reste que des descriptions insuffisantes; mais en même temps il entreprenait la restauration des deux sanctuaires les plus vénérés de la religion : la mosquée de Médine et celle de la kaâbah.

A la Mekke, il jeta bas les portiques de son père et les agrandit. Le premier il y plaça des colonnes de granit, des lambris de marbre et un toit de sadj décoré. 

    

 

   

A Médine, la petite mosquée du Prophète disparut pour faire place à un vaste édifice. Un passage de l'historien El-Samhoudy l'éclaire d'un jour curieux, qui montre que ses constructeurs furent des Coptes et que leur temple s'éloigna sensiblement de celui de Damas.

Fig. 10.

Quand, dit-il, El-Oualîd se proposa de rebâtir la mosquée du Prophète, il écrivit à l'empereur grec pour 'informer de son intention et de son besoin d'ouvriers et de matériaux. L'empereur lui envoya des mosaïques - fesfesa - et quatre-vingts ouvriers, quarante Grecs et quarante Coptes.

Quand le khalife vint en pèlerinage Médine et qu'il vit la mosquée, il s'écria : " Quelle différence entre ma mosquée et la vôtre! " Et el abou le père, ce qui prouve que c'est un Copte qui va parler) lui répondit : " - Nous avons bâti à la façon des mosquées et vous avez bâti à la façon des églises. "

1. La Sakhrah est, selon la tradition musulmane, un quartier de rocher dont, sur l'ordre du Seigneur, Moïse avait fait la kiblà qui avait marqué aux ismaëliens la direction à observer pendant la prière, jusqu'à ce que Mahomet lui substituât la kaâbah.
Le Koubbet-es-Sakhrah n'est d'ailleurs que le lieu saint d'un groupe d'édifices bâti au bord de l'ouady Djehennem - le val de  l'Enfer - et qui comprend dans son Haram - périmètre - le Koubbet Yagoub - la coupole de Jacob, le portique de Suleïman - Salomon - la mosquée du Mehd Issa - du berceau de Jésus et la mosquée El-Akça où, selon la tradition, Allah transporta le Prophète dans la nuit du Miradj. Voir M. de Vogüé, le Temple de Jérusalem.

 
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