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Ce fragment de discours, plus que tout commentaire, démontre que les Coptes avaient érigé à Médine une mosquée très différente de celle de Damas, qui, elle, était la copie d'une église byzantine, tandis que l'œuvre copte n'était autre que celle de la mosquée d'Amrou, mais enrichie de mosaïques, étincelante de dorures, parée en un mot de divers arts juxtaposés.

Même dans l'art civil, il semble que ce furent les Coptes qui introduisirent dans tout le khalifat les règles de leur architecture. A côté de la mosquée byzantine d'El-Oualid, se fonde à Damas un grand hôpital - mâristan - qui, dix siècles plus tard, servira de modèle au sultan Kalaoûn pour la construction du mâristan du Caire; et ce mâristan, si la copie du sultan fut exacte, représente l'art copte dans ce qu'il eut de plus parfait. En Égypte, cette même école bâtit le nilomètre de Raoudah, que détruisit deux siècles plus tard El-Mamoun. Makrîsi nous le dépeint comme mesurant en plan dix-huit pieds carrés et montrant sur chaque face une arcade ogivale de six pieds de large et trois de profondeur. Mais, contraints à chercher dans les auteurs la description de tous ces monuments, il nous est difficile de nous figurer exactement ce qu'ils furent. Pourtant, le soin qu'ils ont pris de nous vanter leur magnificence, l'insistance qu'ils ont mise à nous parler de leurs mosaïques, de leurs marbres, de leurs revêtements d'or et d'argent nous sont un signe de leur faste imité de celui des monuments chrétiens d'alors.

 
    

 

   

  
II. - LES KHALIFES DE BAGHDAD

Ce faste, le règne des Abbassides le porta à son extrême limite. L'an 127 (744), un descendant de Hachem, bisaïeul du Prophète, Abou-el-Abbas, se soulevait contre Mérouan II, comme autrefois Moaouyal contre les khalifes légitimes. Maître du Korassan, Koufah lui ouvrait ses portes, et Mérouan, défait à Mossoul, allait chercher en Égypte l'asile qu'il croyait ne plus pouvoir trouver à Damas. Mais, saisi par les émissaires envoyés à sa poursuite, il était étranglé sans autre forme de procès, et Abou-el-Abbas, reconnu khalife, transportait le siège du gouvernement de Damas à Baghdad et le premier donnait à sa dynastie cette extraordinaire impulsion qui signala les règnes d'El-Mansour, d'Er-Reschîd et d'El-Mamoun, et fit d'eux comme autant de héros de contes entrevus à travers la poésie des Mille et une Nuits.
Le contre-coup de ces événements eut pour l'Occident des conséquences considérables. A peine intronisé, Moaouyah avait étendu sa domination sur tout le nord de l'Afrique jusqu'à Kaïrouan. Depuis, les armées ommîades s'étaient avancées au coeur de l'Espagne, et Turykh, lieutenant d'El-Oualîd, avait conquis Tolède et donné son nom à la montagne qui commande Gibraltar. L'Islam y avait déjà fait des progrès rapides quand Abou-el-Abbas, voulant s'assurer le pouvoir par le massacre de tous les descendants des Ommîades, ce fut là que l'un d'eux, Abd-er-Rhaman - le seul qui ait échappé au khalife, - alla se réfugier.

Reconnu pour souverain par le nord de l'Afrique, - le Moghreb, - il y devint le chef des Ommîades d'Occident, et son empire, affranchi pour toujours de la suzeraineté de Baghdad, poursuivit désormais le progrès de sa civilisation sans rien demander à celle de l'Orient. Un à un germent alors en Espagne ces monuments étonnants, d'un style où la délicatesse des contours, la complexité du décor, le miroitement des couleurs se fondent en une impression de mollesse infinie. 

 
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