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nous nous figurons les marbres jaspés de leurs colonnes, l'or
ciselé de leurs chapiteaux, leurs jets d'eau pleurants au milieu
des cours pavées de fines mosaïques, les grillages d'argent de
leurs fenêtres, les lianes des arabesques multicolores enroulées
à l'ogive de leurs arceaux. En était-il ainsi? Makrisi, auquel il
faut toujours en revenir, nous dit simplement que sous El-Mamoun, un
soulèvement s'étant produit en Égypte, !e prince vint en personne
le réprimer; que la majeure partie des rebelles étaient des
Coptes, et que la répression dégénéra en une persécution au
cours de laquelle cent vingt églises et quatre-vingt-trois couvents
de haute Égypte furent transformés en mosquées; autant à Fostat,
et un plus grand nombre encore dans le désert oriental. Le
procédé était fort expéditif, du reste; il consistait à faire
du portail de l'église le mirhab de la mosquée et à en
effacer la croix.....
Une fois de plus l'architecture copte était celle des monuments
de l'Islam; et si l'on songe que sous Haroun, le frère du khalife
fut gouverneur de l'Égypte, et qu'une esclave copte, envoyée par
lui à Haroun, sut rendre assez d'ascendant sur son maître pour,
devenue favorite, faire rétablir les Coptes dans les anciens
privilèges que leur avait concédés Amrou, on se prend à penser
que l'art des palais de Baghdad ne fut pas sans demander à
l'Égypte ses praticiens connus comme habiles en toutes les oeuvres
d'art.
III. - LES ÉMIRS TOULOUNIDES.
Au règne brillant d'El-Mamoun succéda une longue période de
troubles. Le khalife El-Motassem-b-Illah crut y mettre enfin terme
en se créant une garde d'esclaves turcomans qu'il avait fait
prisonniers ou qui lui aient été envoyés en tribut. Doués d'une
intelligence vive et d'une bravoure à toute épreuve, ceux-ci, à
peine organisés, prétendirent aux premières dignités de l'armée
et disposèrent du pouvoir à leur caprice; si bien que le khalife,
loin de s'appuyer sur eux, se trouva à leur merci. |
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Le fils de l'un d'eux, Ahmed-Ibn-Touloûn, s'était très
jeune fait remarquer par des actions d'éclat et avait vu de ce
fait la faveur royale venir à lui. Nommé gouverneur militaire de
l'Égypte, il se mêla aux intrigues dont elle était à cet
instant déchirée, et bientôt, encouragé par la faiblesse du
khalife El-Motamed-ala-Allah, s'arrogea les prérogatives d'un chef
absolu.
Cette révolte fut le prélude de l'une des grandes étapes de
l'art arabe, la première qu'il nous soit donné de connaître.
Fostat, l'ancienne capitale d'Amrou, avait depuis longtemps
débordé sur la plaine, pour créer le bourg d'El-Askar,- de
l'armée, - devenu depuis près d'un siècle le siège du
gouvernement. Mais, dans ce bourg, Touloûn ne se sentait pas assez
en sûreté pour mettre à exécution ses projets d'indépendance ;
et à peine arrivé en Égypte, son premier soin fut de choisir à
l'est de Fostat une position forte, qu'il pût ceindre de murailles
inexpugnables. Un contrefort de la chaîne arabique, le mont
Yeskhour, semblait placé là tout exprès : comme par enchantement
une ville s'y éleva, Kotayeh - les fiefs, - ainsi nommée en
raison de la distribution du terrain qu'en fit le nouveau maître
à ses officiers.
Sa grande mosquée, quoique fort délabrée, est cependant restée
le type parfait de l'art arabe des premiers siècles de l'hégire.
Le plan (fig. 11) est celui des sanctuaires primitifs. La fontaine
des ablutions occupe le centre d'une cour carrée de
quatre-vingt-dix mètres de côté, entourée sur trois de ses
faces d'un double portique. A l'est est le sanctuaire, divisé en
cinq rangées de nefs dont l'ensemble rappelle la disposition de la
salle hypostyle et, pareil à une enceinte de temple antique, un
mur continu enclôt de toutes parts la mosquée et enferme sur sa
façade la base de son minaret.
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