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Chaque pied-droit est percé d'une baie dont la proportion et la disposition reproduisent celles des grandes arcades; et sur le sanctuaire et les portiques règne un plafond de sycomore naguère constellé d'étoiles d'or sur fond azur. Or l'ogive, je l'ai déjà dit, était l'une des formes essentielles de l'architecture copte : pas un couvent ou pas une église qui n'ait eu des arcs aigus; pas une non plus qui n'ait eu des piliers à colonnettes cantonnées : seulement l'art copte est pauvre et barbare, et personne ne s'est arrêté aux rapports qui l'unissaient à l'art arabe et n'en a recherché la trace sous le décor des monuments et l'Islam.

La chose eût été d'autant plus facile pourtant, que ce décor tout en placage a disparu et qu'il n'en est resté que l'ossature. Sa splendeur étonna ceux-là qui, à Baghdad, avaient vu le luxe inouï d'El-Mamoun. La crédulité populaire chercha bientôt une source surnaturelle à tant de merveilles et supposa que, pour les réaliser, il avait fallu à Touloûn des trésors immenses, que des songes et des incantations lui avaient procurés.

De fait, les sommes dépensées se montaient à 120,000 dynars, plus de 1,800,000 francs de notre monnaie actuelle; et si nous nous reportons aux descriptions qui nous sont restées de l'inauguration de la mosquée, l'effet produit sur l'esprit de la foule dut être effectivement éblouissant.

Ce fut un vendredi de Ramadan 265 (879) qu'eut lieu cette cérémonie. Alors, des mosaïques paraient les murs jusqu'aux frises; un pavement de marbre courait sur le sol, recouvert de fines nattes de Samanah et de tapis de Behneseh : le Koran tout entier se déroulait en caractères dorés au-dessus des portiques; une frise découpée à jour le surmontait, faite, disent certains auteurs, d'ambre merveilleusement travaillé. Le pavillon de la fontaine des ablutions avait une colonnade de marbre; au milieu était un jet d'eau enfermé dans un bassin d'albâtre oriental ; 

    

 

    des treillis d'or régnaient entre les colonnettes, et d'un plafond étoilé pendaient des lampes et des brûle-parfums. Au sanctuaire, la kibla brillait ruisselante de dorures, enduite d'essence de rose, de santal et de safran ; le mimber et le dekké étaient de bois précieux. Le soir, quand la nuit tombait, d'immenses lampes de bronze - tennours, - accrochées dans l'axe de chaque arcade, se chargeaient de cordons de lumière; des pastilles d'ambre parsemaient le sol, emplissant les liwans de nuages embaumés, et dans ce scintillement de feu, dans ce tournoiement de vapeurs odorantes s'effaçait la réalité des contours : ils n'étaient plus qu'une griserie d'images abstraites, une irradiation de couleurs changeantes et un frissonnement de parfums.

Deux tendances se dégagent de cet art et ne font que grandir dans la suite : la recherche de l'élancement architectural obtenu par l'arc brisé et une prédilection marquée pour une ornementation faite de la répétition d'un motif initial donné. L'arc ne s'est pas encore fait aigu, l'ornementation n'a pas encore atteint à l'uniformité absolue; mais c'est le style copte que partout on retrouve, lui qui inspire les divers artistes qui travaillent à la mosquée, de même que plus tard on le retrouvera dans tous ses détails.

Une autre tendance qu'il est bon de noter, mais qui à cette heure ne fut point le propre de l'art arabe est la soif de luxe effréné que trahit l'emploi des métaux rares où s'incrustent les gemmes, des dallages de mosaïques et des lambris de bois sculptés peints et dorés. Au palais de Touloûn et de son fils Khomarouyah, ce luxe touche de près à la magie. Les monuments ont disparu, mais bien des descriptions nous montrent assez dans quel esprit ils étaient conçus.

" Le palais de Khomarouyah, dit Makrisi, était un bâtiment admirable, avec des jardins plus admirables encore. 

 
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