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   Les parterres étaient disposés de manière à figurer les versets du Koran mêlés à des ornementations capricieuses. Chaque tronc d'arbre avait son enveloppe de cuivre doré et des conduites qui l'entouraient d'un réseau de fontaines. A chaque pas, ce n'était que prodiges nouveaux. Ici une tour en bois renfermant des oiseaux de toutes espèces; là des statues du souverain et de ses femmes habillées de riches étoffes, couvertes de pierreries et le diadème au front. Plus loin, une ménagerie dont chaque loge, garnie d'un beau bassin de marbre, renfermait un fauve apprivoisé. Ailleurs, c'était un belvédère qui dominait le cours du Nil et le désert. Mais la construction la plus extraordinaire de ce palais était un bassin de cinquante coudées entouré d'une colonnade dont chaque chapiteau était d'argent massif. En guise d'eau, le bassin contenait du mercure, et l'on conçoit sans peine quel étrange effet produisait ce lac immobile sous les rayons du soleil et les lueurs de la lune. Le prince aimait, dit-on, à s'y laisser bercer sur un vaste coussin gonflé d'air que des anneaux d'argent et des cordes de soie retenaient aux bords. "     

 

   
CHAPITRE II
 
FORMATION DU STYLE ORNEMENTAL
 
 

I. - LES REPRÉSENTATIONS ANIMÉES.

 

Si invraisemblables que paraissent ces descriptions, elles ne sont cependant point fantaisistes. - J'en ai retranché les détails qui eussent paru exagérés. Le sont-ils même ? C'est peu probable. Du IVe au IXe siècle de l'hégire, khalifes, sultans et émirs allèrent toujours au delà de toutes les chimères et vécurent dans une atmosphère de songes réalisés. Seulement, ces songes étaient trop riches. Les matériaux mis en oeuvre éveillèrent la convoitise des barbares. Ils disparurent pillés, fondus, convertis en espèces sonnantes frappées à l'effigie de tous les vainqueurs.

Maintenant, ce n'est que par quelques frises de plâtre, quelques panneaux de bois vermoulu qu'il est possible de se figurer le tableau qui souleva ces enthousiasmes; et ici une question se pose, la première qui surgisse au début de toute étude d'art arabe. L'Islam proscrivit-il la forme humaine1? Et cette proscription, pour vraie qu'on la tienne, est-ce à elle que l'Orient a été fidèle en se confinant dans le style ornemental?

Ce fut par l'affirmative que longtemps on se contenta de résoudre cette double question sans chercher davantage; mais, aujourd'hui examinée sur toutes faces, elle a laissé place à plus d'un doute : l'étude des monuments coptes les eût sensiblement accrus.

 

1. Lavoix, les Arts musulmans : de l'emploi des figures (Gazette des Beaux-Arts, 1875).
Al. Gayet, Des tendances de l'art de l'Orient ancien à la période chrétienne. La sculpture copte (Gazette des Beaux-Arts, 1892).

 
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