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il éprouve toujours le même dégoût pour l'imitation, le même besoin de sensation, le même attrait vers l'invisible; il est toujours méditatif et extatique ; il cherche toujours en tout l'image d'une pensée vague et flottante; il vit toujours d'hallucinations ; en résumé, il est toujours lui.

La preuve certaine que la forme humaine n'était pas interdite aux premiers siècles est que, sous Abd-el-Meleh (65-86 - 705-714 ), la mosquée de Jérusalem fut décorée d'une fresque représentant le paradis et l'enfer de l'Islam. 

Fig. 13.

La peinture - j'ai essayé de le prouver - s'était un moment acclimatée dans l'Égypte copte; l'irréalité de ses lignes et de ses couleurs avait fait d'elle pour l'anachorète le double de ses visions auréolées d'or : en sculpture, le matérialisme de l'image s'opposait à pareille tentative ; aussi, les plus vieilles frises arabes ne se composent-elles que de rinceaux de feuillages ordonnés selon les règles de l'art copte, encore imitatifs, mais déjà rythmés.
 

A la mosquée de Touloûn, une archivolte fouillée en plein stuc frange les arcades; un bandeau semblable s'étend sur les pieds-droits au-dessus des chapiteaux : trois tiges folaciées s'y répètent indéfiniment alternées, tandis qu'au haut des murs, règnent ici d'un feston géométrique pareil à une feuille d'eau, là des rosaces, ailleurs une triple ligne d'inscriptions. A dire vrai, ces ornements manquent de grâce; leur faire est empreint de cette hésitation qui fut propre à la sculpture copte, alors que pour la première fois elle entreprit de donner aux formes réelles une tournure conventionnelle. La continuité des lignes est à peine marquée, et quelque chose de gauche trahit la maladresse du sculpteur.

 

1. AI. Gayet, la Sculpture copte (Gazette des Beaux-Arts), 1892.

    

 

   
En revanche, la précision des motifs géométriques est déjà parfaite; le feston qui court en frise a une régularité absolue, d'autant plus remarquable qu'il n'est point moulé, mais sculpté sur une esquisse et découpé librement. Les inscriptions s'enlèvent sur bois avec une perfection non moins grande, tracées en caractères rectangulaires dépourvus de tous enjolivements.
Fig. 14.
L'allure en est forte et hautaine: c'est le credo d'une foi qui s'affirme par elle seule. Cette intervention de l'épigraphie dans l'art arabe est un de ses traits essentiels, une preuve de plus de ce besoin d'idéalisme qui hantait l'artiste d'alors.
 
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