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Maître de Fostat (2 juillet 969),
Djauhar se mit sans retard à l'œuvre. A l'endroit désigné par
El-Moëzz, commença par creuser, selon la coutume orientale, les
fossés de la ville; puis, pour donner plus de solennité à cette
fondation, il réunit toutes ses troupes (18 Chaban - 9 juillet),
assembla les astrologues et leur demanda de lui signaler l'instant
où une planète bon augure se montrerait au méridien de Fostat
pour donner le signal de la pose simultanée des premières assises
des remparts. " Des piquets de bois, dit Makrîsi, furent
fichés sur toute la ligne d'enceinte, reliés l'un à l'autre par
des cordes supportant des clochettes. Des maçons, leurs outils au
poing, se tenaient prêts à agir au moindre signal. Tout à coup,
un corbeau s'abattit sur l'une des cordes, les clochettes
résonnèrent et les ouvriers se mirent à l'œuvre. Les astronomes
poussèrent aussitôt de grands cris, car ils venaient de
reconnaître que la planète Mirikh - Mars - montait à l'horizon,
et cette coïncidence était pour eux de mauvais augure, Mars étant
à leurs yeux le vainqueur du Ciel, Kahir-el-Falak. Comme il fallait
tourner cet augure à l'avantage de la ville, celle-ci fut appelée
la Victorieuse, et Kahîrah, du nom de la planète qui avait
présidé à sa destinée. "
Avec la ville s'élève le palais du nouveau khalife; Makrîsi
nous en a laissé une longue description bourrée de détails et
d'anecdotes. Il occupait l'emplacement d'un ancien couvent copte, le
Deïr-el-Idam, - le couvent des ossements, - ainsi nommé parce
qu'au dire de la tradition il renfermait les squelettes de plusieurs
disciples de Jésus. Ses dépendances englobaient les jardins de
l'un des derniers émirs Ekhchidîtes, dont la superficie, d'après
mes calculs, était de 15 hectares environ. Son enceinte avait plus
de 1,400 mètres de tour. Dix portes y donnaient accès : à
l'ouest, la porte d'or - Bab-ed-Dahab - et la porte du fleuve -
Babel-Bahr; au nord, la porte du vent, - Bab-el-Rih ; - à l'est, la
porte de l'émeraude, - Bab-ez-Zoumourroud, - la porte de la fête,
- Bab-el-Id; - et la porte du château de l'épine, -
Bab-kasr-ech-Chauk; - au sud enfin, la porte du Daïlam -
Bab-ed-Daïlam,
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- la porte du tombeau de Safran, - Bab-ez-Zafaran, - et la porte
des cuisines, - Bab-ez-Zouhoûmah (mot à mot : - la porte où l'on
sent l'odeur des cuisines) - Une rue longeait cette enceinte, qui
dans la suite, quand l'hôtel du vizirat s'éleva sous
Azîz-b-Illah en face de la résidence khalifale, prit le nom de
rue entre les deux palais, beïn-el-kasreïn. Vers son extrémité,
une place, la place de la Fête, se développait sur une étendue
de 19 hectares. Dix kousour - palais - s'y réunissaient en un
corps de bâtiment gigantesque. C'étaient le Kasr-ed-Dahab, le
Kasr-el-Bahr-, le Kasr-ez-Zoumourroud, le Kasr-ech-Chauk, le
Kasr-n-nafîi, le Kasr-n nassim, le Kasr-el-Akyal, le Kasr-el-Arim,
le Kasr-ed-Dafar et le Kasr-ech-Chadjarah. A lui seul, le
Kasr-ez-Zoumourroud - le palais de l'émeraude - couvrait plus de
dix feddans - 5 hectares.
Leur masse était tellement énorme, que Nassiri-Khosrau la compare
dans sa description à une montagne : " Lorsque, dit-il, du
dehors de la ville on regarde ce palais, on le prendrait pour une
montagne à cause de ses dimensions et de la hauteur des bâtiments
dont il est formé. Mais à l'intérieur de la ville on ne peut le
voir, parce que les murs ont une très grande élévation. "
Et plus loin : " Les ingénieurs ont mesuré la surface
occupée par ce palais et ont trouvé qu'elle était égale à
l'intérieur de Meïâfarîkîn (la ville la plus considérable du
Diar-Bekîr) ; les abords en sont libres, mais toutes les nuits,
mille hommes sont préposés à sa garde. A partir du moment de la
prière, ils sonnent de la trompette, battent du tambour et font
des rondes jusqu'au lever du jour. "
A un tel palais étaient attachées des dépendances
proportionnelles. Les jardins couraient jusqu'au Canal des
Croyants, qui, à cette époque, coupait la ville du sud au nord.
Ici c'était la Sakifah - le magasin des étendards, - dans lequel
étaient enfermées une partie des richesses du khalife; là, les
Écuries de la Rotonde, où prenaient place plusieurs milliers de
chevaux; ailleurs, la Maison de la science, qui possédait une
incomparable bibliothèque; les Loges et l'Hôtel du
Bienheureux; |
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